@cdifsinarbonne

Les émotions dans la relation de soin : des racines de leur répression aux enjeux de leur expression

. Ethique & santé, 3 (3): 133 - 137 (2006)

Abstract

L'oncologie pédiatrique expose itérativement les soignants à des émotions intenses. Nées de l'attachement aux enfants et leurs familles, ces émotions sont aussi la réponse socialement adéquate au scandale de la souffrance de l'Enfance. La capacité maintenue à s'émouvoir apparaîtra comme le garant de 1'« humanité » du soignant. Cependant, son rapport aux émotions est complexe, soumis à des considérations psychologiques ou déontologiques contradictoires. La répression des émotions paraît traditionnellement requise à une prise de décision sereine et objective. Elle assurerait également l'intégrité relationnelle du soignant, indispensable à sa disponibilité pour tous. Elle serait enfin une condition indispensable à l'équilibre psychologique personnel et collectif, protégeant de l'épuisement professionnel. Mais ne pas interroger ce contrôle des émotions risquerait de légitimer les procédures d'évitement excessives mises en place pour leur échapper; technicisation ou fuite réelle accentuent alors la solitude des soignés. Erigée en pratique déontologique, cette distance tend à limiter l'expression éminemment personnelle des relations et alimenter une culpabilisation issue de la normalisation faussement sécurisante des conduites. Enfin, occulter le sens de ces émotions est l'occasion manquée de révéler que la relation de soins est fondamentalement rencontre de deux vulnérabilités. Loin de l'impudeur ou de la mise en scène, les émotions, marques parmi d'autres d'une empathie sincère, dimensionnées à notre rôle, dans l'exacte mesure de leur passivité, seraient donc une occasion précieuse de nous rappeler l'origine et la finalité de la relation de soins.

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