Présentation Développement durable de l’agriculture urbaine en Afrique francophone, enjeux, concepts et méthodes est un ouvrage réalisé par Olanrewaju B. Smith et édité par le Cirad en 2004. Il est le fruit de la coopération de quatre institutions oeuvrant dans le domaine de l’agriculture urbaine : le Crdi (Centre de recherches pour le développement international), au Canada, le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), le ministère des Affaires étrangères, en France, et l’Isra (Institut sénégalais de recherches agricoles), au Sénégal. Dans les trente années à venir, la population mondiale va fortement augmenter, et cette augmentation se concentrera très majoritairement dans les pays en voie de développement. La production de nourriture devra doubler tandis que la production des déchets et d’effluents sera quadruplée. Environ 3 milliards de personnes ne disposeront pas d’équipement d’évacuation des eaux usées, et une bonne partie d’entre eux habiteront l’Afrique subsaharienne. Dans cette perspective, la conception et le développement de l’agriculture urbaine peut apporter quelques solutions face à ces défis alimentaires, sanitaires et écologiques. S’adressant à un public intéressé (du curieux à l’étudiant jusqu’au responsable local), cet ouvrage se donne comme objectif principal d’apporter des outils et méthodes adaptés aux problèmes rencontrés par l’agriculture urbaine en Afrique de l’Ouest et du Centre. Développement L’ouvrage est bâti en 4 temps décomposés en 5 chapitres : - Définition de l’agriculture urbaine (chapitre 1) - La place de l’agriculture urbaine (chapitre 2) - La gestion concertée et durable (chapitres 3 et 4) - La gestion des déchets (chapitre 5) La première partie s’articule autour des nombreux angles d’approche, de la pluralité des définitions, de leur classement, des typologies et des dynamiques parfois complexes de l’agriculture urbaine afin de comprendre les questions qui se posent aujourd’hui dans ce domaine en Afrique francophone. Une des nuances les plus importantes se situe dans les frontières entre agricultures urbaines, intra-urbaine et peri-urbaine. En effet, si la définition précise est importante pour parler de la même chose, la relation entre ville et agriculture, à la fois positive et négative, est au centre de ce qu’est l’agriculture urbaine , de ses fonctions, de son impact et des problèmes rencontrés. La seconde partie s’articule autour de la place de l’agriculture urbaine dans les politiques publiques et notamment la planification urbaine. L’agriculture urbaine est traitée sous l’angle des contraintes rencontrées dans le développement des villes, souvent vu d’un point de vue économique avant d’être social, que ce soit par l’application de textes législatifs ou réglementaires. Sont ensuite détaillées les différentes méthodes de planification urbaines, où les méthodes participatives sont mises en avant car prenant en compte le social comme l’économique au niveau local, et donc favorable à l’agriculture urbaine. On en retire principalement l’importance de l’approche horizontale ou transversale, dite en réseau, ainsi que la confrontation entre une vision européenne de la ville et une vision locale, faite de contraintes réelles et primaires, que les politiques publiques doivent prendre en compte pour limiter les crises sociales. La troisième partie, la plus importante de l’ouvrage, concerne la gestion concertée et durable de l’agriculture urbaine et est découpée entre le maraîchage et l’élevage. Elle est abordée à la fois sous le thème de la demande, du marché, notamment créatrice d’emploi et de revenus, et de la contrainte, principalement foncière et administrative. Les fonctions sociale et économique de l’agriculture urbaine sont alors analysées en vue de proposer des pistes d’amélioration. Le maraîchage urbain, qui est typiquement mis en œuvre par des citadins peu qualifiés et peu organisés, est essentiellement conditionné dans sa durée par, d’une part sa viabilité technique et économique (le revenu qu’il apporte, étant donné qu’il est souvent mené à des fins lucratives), et d’autre part la pollution environnante, il dépend de sa prise en considération et de la concertation avec les acteurs locaux, sujet évoqué dans la partie précédente et détaillé ici dans un processus allant de la consultation à la mise en œuvre. L’accent est mis sur l’importance de la reconnaissance institutionnelle de l’agriculture urbaine comme ayant sa place dans le développement urbain ainsi que sur l’implication de la population dans le processus de décision. Il est ensuite fait mention du rôle social que tient le maraîchage, dans sa création d’emploi et de production alimentaire, mais également dans l’émancipation de la femme et des jeunes. C’est une partie qui manque de données chiffrées ou d’exemples de sociétés où cet impact a été observé. Enfin, des pistes d’amélioration sont proposées, s’adressant tantôt aux producteurs, tantôt aux pouvoirs publics. L’élevage quant à lui a connu une forte augmentation avec le développement des villes. Les filières avicoles et laitières en particulier ont connu une expansion remarquable. Ces élevages se découpent en deux grandes catégories : les petits élevages destinés à l’autoconsommation ou à l’apport occasionnel de revenus et les élevages de grande taille destinés à la vente. Ces deux sortes d’élevages, dans des proportions différentes, génèrent des nuisances urbaines (le bruit et l’odeur) et des problèmes sanitaires, tant pour la ville (la santé publique) que pour les animaux eux-mêmes. D’un autre côté, l’élevage en milieu urbain permet la pratique d’un circuit court au bénéfice des habitants et de l’économie de la ville. Une approche par filière est préconisée pour étudier les problèmes et solutions spécifiques afin de les adapter au mieux au milieu urbain. La recherche et l’innovation technique sont particulièrement récentes dans ce domaine et pourtant très attendues : l’auteur propose des démarches de diagnostic et d’intervention qui paraissent pertinentes. Si l’équilibre n’est pas simple à trouver, le maraîchage et l’élevage ont toute leur place dans la dynamique globale de la ville. Enfin la dernière partie concerne la gestion des déchets. Leur traitement bien sûr, mais également leur possible réutilisation au bénéfice de l’agriculture urbaine. Ainsi, les effluents liquides sont particulièrement intéressant pour le maraîchage car composés principalement d’eau. Cependant leur réutilisation se heurte à la nécessité de traitement et de recyclage pour éliminer les micro-organismes pathogènes (bactéries, virus, parasites et champignons) et métaux lourds véhiculés. Les effluents liquides sont alors séparés en catégories : eaux de pluie et ruissellement, eaux usées des ménages et eaux industrielles avec des solutions de traitement différentes. Enfin la question du tri à la source est abordée et son caractère essentiel mis en avant. Malheureusement, sa mise en œuvre se heurte une sensibilisation difficile de la population dont les préoccupations premières leur apparaissent en décalage complet avec ce genre d’amélioration. Pourtant, le tri à la source et le traitement par catégorie des déchets est autant source d’amélioration sanitaire que créatrice d’emplois. Conclusion Cet ouvrage a la particularité d’avoir été rédigé à plusieurs mains, chaque chapitre est rédigé par des auteurs différents des chapitres précédents et suivants et associe systématiquement des acteurs locaux. Cette rédaction protéiforme ne parait toutefois pas décousue car une attention particulière a été portée à la cohérence et à l’agencement de l’ouvrage. Ainsi, on passe naturellement d’un chapitre à l’autre, en oubliant parfois qu’on change d’auteur et de style de présentation. En conclusion, il s’agit d’un ouvrage très complet et détaillé sur le sujet. Facile d’accès, il s’adresse à toute personne intéressée par le sujet. Toutes les notions sont prises à la base pour permettre une diffusion de l’ouvrage la plus large possible. De nombreux exemples, pas assez détaillés toutefois à mon goût, permettent d’illustrer le propos par des exemples ou même contre-exemples, laissant ainsi le lecteur prendre peu à peu conscience de la complexité de la situation en Afrique francophone. Et c’est ainsi qu’après avoir balayé le sujet de l’agriculture urbaine, cet ouvrage invite finalement à se documenter sur telle ville, tel pays ou telle thématique urbaine en Afrique.