Article,

Genre, villes et développement: Regard sur l’Afrique subsaharienne

.
(2019)

Abstract

Dans les pays en développement, en particulier en Afrique subsaharienne, dernière grande région du monde à s’urbaniser, la ville se présente sous un jour peu flatteur. On la caractérise en employant divers concepts : « hyperinflation urbaine », « urbanisation débridée », « bidonvilisation », « polarisation obscène » (Delcourt, 2007). Depuis quelques années, les intervenants internationaux ont néanmoins résolument adopté la ville comme fer de lance de la croissance économique et de la protection de l’environnement (ONU-Habitat, 2016; Banque mondiale, 2013; Programme des Nations unies pour l’environnement PNUE, 2011). Au-delà des images troublantes, comment la ville africaine se dessine-t-elle

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    Partie 1 Présentation du contexte de publication de l’ouvrage La publication de cet article intitulé « Genre, villes et développement, regard sur l’Afrique subsaharienne[1] » écrit par Denis Piché et Emilie Pinard, fait partie d’un ouvrage plus généraliste « genre, féminismes et développement. Une trilogie en construction [2] » édité par Charmain Levy et Andrea Martinez et publié en 2019 par l’Unversité d’Ottawa suite au colloque « État des lieux sur les perspectives féministes en développement international ». Présentation des auteures Denis Piché est professeure associée à l’Ecole d’architecture de l’Université de Laval, où elle a enseigné 37 ans avant de prendre sa retraite. Ses recherches se sont concentrées sur les rapports personnes-milieux, l’aménagement urbain et les approches participatives. Emilie Pinard est professeure adjointe à l’École d’architecture McEwen de l’Université Laurentienne. Ses travaux de recherche et d’enseignement portent principalement sur les rapports personnes-milieux, l’architecture sociale et le design collaboratif. Elle possède notamment une expérience de recherche et de pratique architecturale au Sénégal et au Mozambique, plus particulièrement sur les thèmes de l’informalité, de l’habitation et des rapports de genre en contexte d’urbanisation rapide. Résumé général en quelques lignes Cet article analyse la structure des rapports de genre dans les villes des pays en développement et plus particulièrement dans les urbanisations informelles qui représentent la grande majorité des villes en Afrique subsaharienne. L’article présente deux cadres d’analyse complémentaires qui proposent de s’appuyer sur les réalités quotidiennes des femmes dans les villes du Sud pour entrevoir l’ensemble des inégalités de genre qui existent en milieu urbain. Ces cadres permettent d’entrevoir une transformation possible notamment dans l’accès aux infrastructures urbaines et l’habitation, deux enjeux majeurs des politiques urbaines. Cet article présente également des initiatives individuelles et collectives mises en œuvre par des femmes pour transformer leur condition et revendiquer un droit à la ville. Partie 2 Cadre d’analyse et de transformation vers une ville inclusive Les auteures discutent du fait, qu’aujourd’hui, peu de cadre d’analyse des villes du Sud permettent de voir et d’identifier les inégalités de genre en milieu urbain de manière multidimensionnelle et à toutes les échelles, y compris dans les secteurs de l’informel. Pourtant, aujourd’hui en Afrique subsaharienne, les quartiers informels représentent en moyenne 56 % de la ville, ils sont donc incontournables comme objet d’étude si l’on veut comprendre les inégalités et discriminations qui se jouent à l’échelle de la ville dans son entier. Les analyses de genre en milieu urbain qui existent à ce jour s’attèlent principalement à évaluer les problématiques d’aménagement, de transport ou de sécurité avec une approche soit très fragmentée ou sectorielle, soit en analysant principalement les politiques publiques, véhiculant par là l’idée que cette problématique repose sur un nécessaire changement de type « top-down » pour atteindre une ville plus inclusive. Les auteures, en présentant deux cadres d’analyse complémentaires - celui de Chant et MacIlwaine[3] développé pour ONU-Habitat en 2013 et celui de Moser[4] développé en 2015 - qui se basent sur les expériences quotidiennes des personnes subissant des inégalités en milieux urbain, ouvrent la voie vers une vision de la ville construite à partir de différentes échelles, qui sont toutes incontournables pour imaginer un changement durable vers une ville inclusive. Cette proposition de cadre d’analyse pourrait s’apparenter à une approche de type « bottom-up », avec une réflexion sur un pouvoir d’agir situé à différentes échelles, individuel ou collectif, et multisectoriel. L’accès à au logement En choisissant de discuter cette approche à travers deux enjeux incontournables de la structure inégale des villes, l’accès au logement et l’accès aux infrastructures, les auteures illustrent la pertinence de cette réflexion mais aussi ses défis. Il a été démontré dans plusieurs études que l’habitation est une ressource clé pour les femmes en milieu urbain qui peut contribuer à leur « empowerment », toutefois seules 15% des propriétaires fonciers et résidentiels à l’échelle mondiale sont des femmes. Une analyse de cette problématique selon l’approche discutée plus haut aide à identifier des facteurs multidimensionnels qui peuvent être d’ordre structurel large tels que la mondialisation, les changement climatiques, les changements politiques, et la démographie, mais aussi d’un ordre plus intermédiaire, comme les normes culturelles, sociales, les ressources économiques, l’éducation, etc, qui sont des facteurs tout aussi impactant sur les conditions d’accès à l’habitation pour les femmes. Dans le secteur informel, l’habitation est un bien qui n’est pas gratuit et qui est géré, non pas par les politiques publiques d’accès au logement, mais par des jeux de relations, d’influences et d’ententes familiales très dépendantes des normes sociales, culturelles, et économiques locales. On voit là à quel point ces facteurs qui construisent la société des quartiers informels peuvent influencer et régir l’accès au foncier et à l’habitation de la majorité des femmes en milieux urbain. Par là même, on se rend compte où se situe une partie du pouvoir d’agir et les raisons pour lesquelles étudier les stratégies des femmes pour faire face à cette problématique peut être constructive et efficace. L’accès aux infrastructures Les infrastructures urbaines de base sont également un enjeu majeur de la construction des villes inclusives. En effet, même si les enquêtes de terrain ne présentent que rarement des données sexospécifiques, l’absence d’infrastructure de base se répercute principalement sur les femmes. Ce sont elles qui transportent l’eau, l’utilisent et qui subissent en premier les effets de sa mauvaise qualité, impactant considérablement le temps et l’énergie qu’elles y allouent quotidiennement. Les déchets sont également principalement l’apanage des femmes, et ce sont elles qui en subissent les conséquences à travers leur rôle du « care » liée aux maladies dues à l’insalubrité. Et il en va de même pour l’accès à l’énergie et du travail quotidien qui en résulte selon l’accès. C’est dans ce sens qu’on peut dire que ce sont les femmes qui sont en grande partie les infrastructures de base dans les quartiers informelles des villes du Sud. Toutefois ce rôle n’est que rarement remis en question lors de projets de développent d’infrastructure surfant sur le travail gratuit des femmes qui, lorsque celui-ci est enfin rémunéré, est donné en général aux hommes. Par ailleurs, des infrastructures de type rentables, objectif promu entre autre par la Banque Mondiale, met à nouveau de côté les personnes les plus démunies qui sont majoritairement des femmes et à qui, sans accès aux-dites infrastructures, incombent le rôle d’en être elles-même une grande parties comme exposé plus haut. Face à ce constat, il s’agit aujourd’hui de trouver des stratégies basées sur les initiatives existantes, sans retirer le pouvoir d’agir et décisionnel des femmes qui en sont les principales instigatrices dans les quartiers informels des villes. Partie 3 Conclusions L’article amène une réflexion sur la manière d’aborder la question des inégalés de genre en milieux urbains. Les auteures proposent d’analyser de quelle manière les femmes habitent les villes africaines subsahariennes et comment elles revendiquent leur droit à la ville. En effet elle sont parties prenantes de la ville dans toutes ses dimensions, mais ne sont que rarement reconnues en tant que telle. Elles proposent à partir de deux cadres d’analyse existants de partir de ce que vivent les femmes au quotidien surtout dans les milieux des quartiers informels et de les aborder de manière multidimensionnelle et à toutes les échelles pour concevoir un changement durable pour une ville inclusive. Cette approche, illustrée dans deux enjeux majeurs d’accès à la ville africaine subsaharienne, l’habitation et les infrastructures, permet d’avoir une autre perspective du pouvoir d’agir qui se situe à l’échelle individuelle et collective par rapport à celui proposé par les politiques publiques qui peinent à tenir compte des différentes dimensions de secteur informel et à proposer des réponses adaptées. Pistes de réflexion Les auteures de l’article ouvrent plusieurs champs de recherche et d’action très peu abordés jusqu’ici et qu’il serait intéressant d’approfondir et d’étudier autour de la question des stratégies issues de l’informel et plus particulièrement celles développées par les femmes pour avoir accès à la ville dans toutes ses dimensions. Mais, force et de constater que nous manquons cruellement d’outil et de méthodologie pour les aborder et qu’un rapprochement des études urbaines et des études de genre africaines pourraient participer à enrichir le débat et les actions du droit à la ville, inclusive, juste et équitable. Références - Chant, Sylvia et Cathy McIlwaine. 2013. « Gendered Urban Prosperity and Women’s Empowerment in 21st Century Cities ». La Camera blu 7 : 87-115. - Chant, Sylvia et Cathy McIlwaine. 2015. Cities, Slums and Gender in the Global South. Londres : Routledge. - Chant, Sylvia H. et Cathy McIlwaine. 2016, Cities, Slums and Gender in the Global South. Towards a Feminised Urban Future. Londres : Routledge. - Levy, C., & Martinez, A. (Eds.). (2019). Genre, féminismes et développement: Une trilogie en construction. University of Ottawa Press. Retrieved July 7, 2020, from www.jstor.org/stable/j.ctvktrxfp - Moser, Caroline O. N. (dir.). 2015. Gender, Asset Accumulation and Just Cities: Pathways to Transformation. Londres : Routledge. - ONU-Habitat. 2013. State of Women in Cities 2012-2013: Gender and the Prosperity of Cities. Nairobi : ONU-Habitat. -------------------------------------------------------------------------------------- [1] https://www.jstor.org/stable/j.ctvktrxfp.24 [2] https://www.jstor.org/stable/j.ctvktrxfp [3] Chant, Sylvia et Cathy McIlwaine. 2013. « Gendered Urban Prosperity and Women’s Empowerment in 21st Century Cities ». La Camera blu 7 : 87-115. Et Chant, Sylvia et Cathy McIlwaine. 2015. Cities, Slums and Gender in the Global South. Londres : Routledge. [4] Moser, Caroline O. N. (dir.). 2015. Gender, Asset Accumulation and Just Cities: Pathways to Transformation. Londres : Routledge.
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