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Les politiques urbaines en Afrique subsaharienne Contours rééls

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(2012)

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  • @pierreoy

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  • @pierreoy
    11 years ago
    A) Lambert Mossoa est professeur à l’Université de Bangui (Centrafrique). Son ouvrage récent a l’ambition de définir la nature des processus d’urbanisation aujourd’hui à l’œuvre qui constituent un défi, par leur rythme, intensité et dimension en Afrique subsaharienne en prenant notamment l’exemple de Bangui la capitale de Centrafrique indépendante depuis 1960. Bangui se caractérise par son pouvoir d’attraction et constitue l’aboutissement de nombreux flux migratoires : 17% de la population du pays, 46% de la population urbaine et 90% des industries. L’approche de Lambert Mossoa consiste à définir les contours réels des politiques urbaines en Afrique subsaharienne. Au-delà d’une analyse du mode de fonctionnement et de l’évolution des appareils institutionnels et des dispositifs techniques chargés de concevoir et d’appliquer les politiques urbaines, l’auteur propose une critique des fondements et des modèles urbains utilisés actuellement. De fait, l’ouvrage traite peu des bases théoriques de la discipline pour aborder en priorité les pratiques à l’œuvre (quartiers populaires spontanés et économie irrégulière) et les acteurs émergents de la gestion urbaine locale (désengagement de l’Etat et articulation des initiatives populaires avec les collectivités locales ou les ONG). Ce parti pris de l’auteur qui privilégie la pratique à la théorie permet de dessiner, dès le premier chapitre, les contours réels des politiques urbaines en Afrique subsaharienne. B) L’ouvrage illustre d’abord les contradictions latentes des projets respectifs du pouvoir d’Etat avec les aspirations et les besoins des populations. Selon Lambert Mossoa, la gestion et le cadre officiel de la ville sont en décalage avec les logiques et pratiques sociales en Afrique subsaharienne. En effet, la planification corrective et la réglementation surabondante généralement importé d’Europe se révèlent inefficace sur le terrain. Par le passé, les grands schémas d’aménagement mis en œuvre se sont rapidement révélés inopérants sur des projets de petite échelle faisant appel à la participation de la population. Le plan d’urbanisme directeur de Bangui de 1972 est un exemple d’échec frappant, il n’était pas adapté aux spécificités de la ville, et s’est avéré autoritariste dès sa conception compte tenu de l’inexistence d’une concertation. L’auteur nous explique ensuite que la participation populaire impulsée actuellement par l’Etat ne fonctionne pas, les habitants s’en détournent et cette communication peut vite s’orienter vers intérêts particuliers qui savent se l’approprier. Ces constats nous poussent à nous interroger sur l’application des concepts européens sur les territoires urbains de Centrafrique. A la lecture du livre, nous comprenons qu’il est désormais temps d’imaginer des politiques urbaines plus souple calquées sur la réalité de la ville d’Afrique subsaharienne et non pas sur des exemples de villes industrialisés d’Europe. Le passage d’un urbanisme très planificateur peu efficace à un urbanisme de gestion plus localisé dans ses modes d’intervention pourrait être une solution pour répondre à la crise de la participation communautaire ou pour tenter de réconcilier les perspectives partiellement antagonistes entre volontés Etatiques et populations urbaines. Une logique de travail sur la gestion des projets urbains par exemple peut permettre une expression des populations entrainant leur adhésion ou leur rejet, l’idée étant de parvenir progressivement à un consensus minimal pour tenter de réconcilier les visons de l’Etat et des populations urbaines. Pour mieux comprendre les contours réels des politiques urbaines en Afrique subsaharienne, Lambert Mossoa nous expose les moyens dont disposent les urbanistes de Centrafrique pour mieux gérer l’accueil de nouvelles populations et l’urbanisation des villes. C’est une approche instructive qui complète les premier propos de l’auteur et on comprend très vite que l’urbaniste Centrafricain ne dispose pas des mêmes moyens que l’urbaniste européen dont les méthodes et documents sont pourtant pris en exemple par la législation des Pays subsahariens. Dans un premier temps, l’auteur nous explique qu’il est difficile d’obtenir des données de base (recensements, bases cartographiques…) et que les enquêtes existantes sont souvent bâclées. Dès la phase de diagnostic, l’urbaniste Centrafricain se trouve donc en difficulté pour réaliser un document de type Schéma Directeur ou Plan Local d’Urbanisme. Et, dans le cas ou une ville parvient tout de même à réaliser un document cohérent, ce sont les pouvoirs publics qui n’ont pas la volonté de rendre le document opposable ou de mettre des moyens en œuvre les politiques d’aménagement nécessaires pour réaliser le schéma. Nous comprenons pourquoi face à ce manque de moyens et de volontés politiques fortes, les villes s’étendent sans contrôle apparent et sans planification préalable. De plus, selon Lambert Mossoa, la planification est peu comprise par la plupart des habitants et des gouvernants, de fait, elle disparait des agendas des gouvernements africains. Plutôt que la planification sur le long terme, l’accent mis sur la gestion urbaine à court terme qui semble pourtant souffrir des mêmes mécanismes inadaptés ou inexistants que pour la planification sur le long terme (gestion des réseaux, politiques d’habitat…). Le manque de moyens et l’inadaptation des politiques publiques en Afrique subsaharienne ont entrainé la privatisation de bon nombre de services urbains de base qui ne pouvaient plus être assumé par le secteur public. Mais, ce retrait des acteurs officiels, de l’Etat et des services publics a contribué au développement des économies populaires et informelles. Si la recherche accepte et légitime les pratiques informelles, la plupart des gouvernants la rejettent. Pourtant selon Lambert Mossoa, ce changement de modèle est avant tout dû à l’exclusion du secteur officiel de la grande majorité des urbains d’Afrique subsaharienne qui ont développés par obligation une économie officieuse de subsistance. Cette logique impacte directement les modes d’urbanisation. Le droit coutumier dans le domaine foncier est particulièrement mis en avant, c’est une pratique sociale en matière d’habitat qui est le reflet de l’évolution de la société entre tradition et modernisme. Nous apprenons que dans toutes les villes centrafricaines, l’administration publique est pratiquement absente en matière d’urbanisation, les quartiers irréguliers représenteraient 50 à 80% de la croissance des grandes villes. Il s’agit d’une urbanisation anarchique, désordonnée et sauvage ou les principaux acteurs sociaux sont les citadins. Débordée, faute de moyens d’intervention, l’administration laisse faire. L’ouvrage aborde l’exemple du quartier Boeing à Bangui ou à cause de la spéculation foncière, un quartier s’est urbanisé spontanément et s’est imposé aux autorités locales grâce à la détermination, au dynamisme, à la solidarité et organisation méthodique et concertée des habitants : plantation et préservation de la végétation pour lutter contre l’érosion, entente entre voisin pour gérer localement sur leurs parcelles les eaux usées ou la destruction des ordures (brulées), rigoles d’évacuation du pluvial, engagement associatif, travaux d’intérêt public et politique. Lambert Mossoa met en avant deux type de solidarité possible dans ces quartiers informels, la solidarité contrainte (ex : gestion des eaux pluviales ou des déchets) qui est obligatoire pour satisfaire les besoins de base et la solidarité spontanée avec des investissements partagés (ex : réseaux électriques) qui ne sont pas forcement vitaux mais qui permettent d’améliorer le cadre de vie du quartier. Il devient désormais clair que la reconnaissance de ces pratiques par les pouvoirs public est une des clés pour imaginer l’invention de politiques urbaines adaptés aux villes subsahariennes et aux habitants qui y vivent. C) Le titre de l’ouvrage résume son ambition : définir les contours réels des politiques urbaines. Mais après analyse des propos de Lambert Mossoa, nous pouvons nous questionner sur l’existence de véritables politiques de la part des pouvoirs publics d’Afrique subsaharienne en matière de planification urbaine. Si des travaux de réflexion ont été mis en œuvre en Centrafrique, les outils s’inspirent directement de l’époque coloniale révolue depuis plus d’un demi-siècle. Face à des gouvernants inspirés par des modèles européens, l’innovation semble venir du secteur informel qui peut répondre pertinemment à certaines problématiques ponctuelles mais dont on peut douter pour une réflexion urbaine d’ensemble et une vision territoriale globale de la ville. Force est de constater qu’un modèle efficace reste à inventer, des pistes comme le transfert de compétence de l’Etat vers les gestionnaires locaux ou la reconnaissance de certaines pratiques informelles sont à envisager. Quoi qu’il en soit, Lambert Mossoa nous rappelle qu’ « Aucun système de planification urbaine ne s’impose au nom d’une quelconque logique technique ou institutionnelle. Rien ne s’impose, et rien non plus, ne s’importe. Il appartient à chaque pays de considérer que le choix du système de planification est libre et qu’il est un acte de politique urbaine souveraine. » Enfin, si la géographie sert d’abord à faire la guerre (Yves Lacoste), il est important de conclure sur le rôle majeur de la paix pour faire de l’urbanisme. Le contexte actuel de la Centrafrique et de Bangui depuis la parution du livre en 2012 est là pour nous rappeler que certains pays d’Afrique subaérienne sont instables politiquement. Les politiques urbaines sont vite oubliées en période de guerre civile, pourtant, les migrations massives de population entrainent des besoins importants en terme logistique (logements, eau…) pour accueillir les réfugiés de ces conflits.
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