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L’Aménagement Urbain en Afrique du Sud 1948-1995, entre Apartheid et Pauvreté

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L’Harmattan edition, (1996)

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  • @maylis_pillet
    3 years ago (last updated 3 years ago)
    // L'apartheid une politique de ségrégation territoriale // L’Afrique du Sud est un des pays avec le plus grand écart socio-économique au monde, ce phénomène est enraciné dans son histoire complexe. La longue ségrégation économique et spatiale à poussé une grande majorité de la population dans la pauvreté. Alors que la découverte des mines a créé une élite blanche élevée. Ce phénomène est explicite dans l’aménagement du territoire et l’urbanisme. Les limites entre les différents quartiers sont extrêmement contrastées, mettant en scène des maillages à des échelles différentes côte à côte. C’est un héritage du zonage racial mis en œuvre pendant l’apartheid. L’ouvrage que nous allons étudier a été publié en France en 1996, soit 2 ans après la fin de l’apartheid en Afrique du Sud. Ce livre décrit la principale raison de cette ségrégation. Il fait suite à la thèse de doctorat soutenue par l’auteur, Jean-Baptiste Onana, en 1994 à l’Université de Paris XII-Val-de-Marne sous le titre de « Politiques et Stratégies d’Aménagement Urbain en Afrique du Sud : de la répression à la tolérance (1948-1993) ». L’auteur est un enseignant-chercheur, juriste et urbaniste, il est diplômé de l’ICH (Institut d’études économiques et juridiques) de Paris et de l’université Paris XII. Ses recherches l’ont amené à séjourner, à plusieurs reprises, en Afrique du Sud. Ses différents séjours lui ont apporté une bonne connaissance du contexte sud-africain, il sera même nommé chercheur associé à l’université de Pretoria. Le livre en question décrit la politique territoriale mise en place par le Parti National afrikaner à partir de leur prise de pouvoir en 1948 jusqu'à leur chute en 1994. Puis ils donnent des pistes de perspectives futures pour un urbanisme post-apartheid à partir de l’élection du premier président noir, Nelson Mandela, en 1994. Nous allons voir quels ont été les moyens mis en place à travers d’une politique territoriale pour renforcer la ségrégation pendant l’apartheid. Cette répression de la population noire se traduit par une séparation spatiale sur la totalité du pays, dans les zones rurales comme les zones urbaines. En 1948, le Parti national afrikaner est arrivé au pouvoir, introduisant un barrage de lois pour maintenir une ségrégation raciale. Ils ont baptisé leur philosophie « apartheid », ce qui signifie en afrikaans « séparation ». Ils défendent un développement séparé des « races ». En fait cette répression de la population noire existait bien avant le Parti national, ils ne l’ont que théorisée et institutionnalisée. Depuis que les premiers colons ont débarqué au Cap au XVIIe siècle, ils préconisent la suprématie blanche et l’exclusion spatiale de la population noire. Les descendants des colons néerlandais, les afrikaans, ont très tôt délimité les terres indigènes dans des « réserves ». Depuis 1913, avec la « Black Land Act », les autochtones n’étaient pas autorisés à acheter ou à vendre des terres aux blancs. Ils ne pouvaient posséder que des terres dans les réserves indigènes qui représentaient 7% du territoire, ce qui signifiait beaucoup d’expropriation de paysans noirs dans les zones nouvellement blanches. Même si cette transition était progressive au début, elle a créé beaucoup de problèmes. Au moment de la décolonisation on aurait dû assister à une réforme agraire avec la redistribution du territoire à la totalité de la population sud-africaine, mais ici c’est un scénario totalement diffèrent. L’Afrique du Sud a officiellement obtenu son indépendance des Britanniques en 1934, mais cela n’a pas effacé l’oppression raciale. Au contraire, elle a augmenté. A fin d’institutionnaliser et d’encrer davantage ces « réserves indigènes » en 1936, le « Native Trust Land Act » a créé le « South African Development Trust » qui avait pour mission de leur donner plus de terre. Cette idée qui est censé être positive et généreuse était en fait pervers. En donnant soi-disant asz de territoire aux populations indigènes ils espéraient que ça les empêcherait de venir dans les terres des blancs. A cause de l’opposition des suprématistes blancs et d’un manque de budget le territoire des « bantoustans », littéralement « foyers nationaux », est arrivé à 13% pour 75% de la population totale. Ils séparèrent ces bantoustans en 10 territoires selon des critères soi-disant scientifiques. Ils assignèrent à chaque ethnie un territoire. Ils distribuèrent souvent les territoires arbitrairement, sans prendre en compte les localisations historiques des tribus. Ils ne prenaient pas en compte que certaines tribus partageaient des terres depuis des siècles et avaient leur propre fonctionnement et lois. De plus les territoires attribués étaient les plus arides et infertiles. Donc on peut dire qu’ils cumulaient les malheurs, ils étaient déplacés dans un nouveau territoire, changeaient leur organisation et tout cela pour un territoire trop petit et infertile. Les bantoustans étaient plus ou moins indépendants, ils étaient sous le pouvoir central de Pretoria mais les habitants n’avaient pas la nationalité sud-africaine. Cette ségrégation territoriale a marqué la fin de la paysannerie noire et ils ont été forcé de se convertir au salariat. Tous les fermiers noirs ont été exproprié, ils se sont converti en métayer mais cette pratique fut abolie aussi par peur de la concurrence. La seule façon de subsister était de renoncer à son indépendance et de se soumettre au salariat. La transition vers le salariat fut aussi accélérée par l’émergence des mines de diamants qui demandaient beaucoup de mains d’œuvre. Ces mines ont créé 4 importantes concentrations urbaines : Pretoria, Durban, Johannesbourg et Port Elizabeth. La plus grande contradiction de l’apartheid c’est d’accorder le besoin en main-d’œuvre avec la ségrégation. Etant le premier pays africain à s’industrialiser il y eut une forte demande de mains d’œuvre dans les zones urbaines. En conséquence c’est aussi devenu le pays le plus urbain. Mais les villes devaient absorber tous les nouveaux arrivants. De plus l’accroissement de la pauvreté dans les bantoustans à poussé les populations à un exode rural. Le manque de logement en ville est en problème récurrent lors d’une industrialisation mais la ségrégation complexifia encore plus la situation. Pour les blancs au pouvoir l’urbanisation des noirs n’était pas imaginable. Ils encourageaient les travailleurs noirs à la mobilité pendulaire, soit de retourner tous les soirs dans leur bantoustan. Cela impliquait des subventions et aménagement pour les transports trop importants. Malgré leurs efforts l’exode était inéluctable. L’urbanisation des noirs a dû suivre un zonage racial, les isolants dans des quartiers délimités tout comme dans les zones rurales. En 1950 ils mettent en place la loi du « Group Areas Act » qui applique la ségrégation à la totalité du pays. Ils créent 4 zones différentes pour chaque « race » : Blancs, Asiatiques, Coloured et Noirs. Les noirs furent entassés dans des « townships », cités-dortoirs en périphérie des villes. C’était considéré comme des habitations temporaires. Très vite ils furent bondés et les non travailleurs déportés. La déportation n’était pas la solution car très vite les townships étaient surpeuplées à nouveau. Concernant l’urbanisme de ces quartiers, ils ne contiennent presque aucune hiérarchie. C’est un tissu de logement homogène sans place centrale, ni rues commerçantes. Les seules infrastructures plus ou moins développer sont les rues permettant à la police de patrouiller. Tout est réfléchi pour facilement entourer et contrôler le quartier. Concernant les logements sociaux, les premières initiatives furent d’investisseurs privés, plus précisément par les compagnies industrielles. En construisant des logements pour leurs employés ils s’assuraient une main-d’œuvre régulière. Ces « compounds » étaient des dortoirs favorisant la promiscuité et la surveillance. Par la suite le gouvernement créera le « National Housing Fund » en 1957 pour construire des logements sociaux dans les townships. Ils remplacèrent les habitations informelles par des maisons de 40-60 m² communément appelés « matchbox houses ». Ces logements insalubres n’avaient pas assez de fenêtres pour assurer une bonne ventilation et fuyaient du toit. Malgré la construction des compounds et des logements sociaux 1/3 du parc immobilier demeurait informel. Pendant l’apartheid, 7 millions vivaient dans ces conditions précaires. L’interdiction d’accès à la propriété par la population noire était un frein au développement immobilier des villes. Il faudra attendre 1977 pour légaliser les baux emphytéotiques et 1986 pour que tout le monde est le droit à la propriété privé. Nous avons vu que l’apartheid a mis en place une ségrégation spatiale dans les zones rurales et urbaines. Dans les régions rurales, les Noirs ont été expropriés et expulsés vers des réserves autochtones appelées « bantoustans ». Cela a marqué la fin de la paysannerie africaine et de sa transition vers le travail salarié. En outre, avec la découverte des mines et le début de l’industrialisation, la main-d’œuvre était hautement nécessaire dans les villes. Malgré l’opposition des suprématistes blancs, l’urbanisation noire était inéluctable. Ils étaient cantonnés à vivre dans des cités dortoirs surpeuplé, les « township ». De nos jours le tissu urbain n’a pas tellement évolué, la ségrégation raciale a laissé place à une ségrégation économique. Les blancs sont toujours propriétaire de la majorité de la terre malgré une redistribution et des compensations mises en place par le régime postapartheid. Le président Ramaphosa en 2019 a fait voter une loi permettant de saisir des terres sans compensations pour redresser les injustices du « Native Land Act » de 1913. Cette nouvelle réforme risque d’augmenter le chaumage et réduire la productivité agricole. Un scénario de famine nationale, comme au Zimbabwe, est envisageable. De plus une terreur urbaine est fortement présente au sein des villes sud-africaines. Plus l’écart socio-économique s’agrandit plus la criminalité augmente. En réponse à ce phénomène les classes aisées mettent en place des systèmes de sécurité dans leurs quartiers, à savoir des patrouilles privées, des grillages électriques, des lumières et bien d’autres infrastructures.
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