Note de lecture : Les villes Africaines face à leurs déchets, Emmanuel Ngnikam et Emile Tanawa, Université de Technologie de Belfort-Montbéliard, édition 2006, 288 p.
Oui, la ville africaine va vers son but. Pourtant, ce n’est pas encore la fin. Emmanuel Ngnikam et Emile Tanawa que le préfacier de cet ouvrage classe parmi les meilleurs spécialistes de l’Afrique subsaharienne dans le domaine du traitement des déchets et des eaux, une fois encore, annonce le malheur des déchets solide ménagers et de la ville africaine en ces termes : « plus de quarante ans après les indépendances africaines, les villes, les institutions, et les États n’ont pas trouvé les solutions appropriées pour collecter, traiter ou éliminer convenablement les déchets solides ménagers (DSM) en milieu urbain en Afrique et dans beaucoup de pays du Sud. Différentes approches ont été préconisées et expérimentées sans qu’elles aient produites des effets escomptés ». Au terme de leur réflexion, les auteurs évoquent l’exigence d’un service public d’enlèvement des ordures ménagères qui doit être rendus à tous.
Même si en quatrième de couverture ce livre propose une démarche de recherche appliquée pluridisciplinaire, il faut admettre que celle-ci est en effet indispensable pour adapter et rendre opérationnelles les actions dans ce domaine. Aussi, y trouve-t-on des pistes fécondes et surtout l’aboutissement d’une démarche fondée, avec beaucoup de rigueur, sur une réflexion conceptuelle autour de la territorialité des acteurs du domaine et sur un examen critique des étapes de la gestion des traitements des déchets, les politiques et leur financement.
L’idée première et directrice des auteurs est le constat de la complexité du choix d’une filière de traitement de déchets. Dans les villes des pays en voie de développement, l’évolution démographique est très élevée et serait le principal facteur d’évolution du flux de déchets. En plus de cette évolution quantitative, la composition des déchets est hétérogène et évolutive dans le temps et dans l’espace. A cet effet, les auteurs tentent de cerner l’objet d’étude dans la première partie en présentant avec rigueur la définition des concepts utilisés dans cet ouvrage, à savoirs : le déchet, les déchets ultimes, la valorisation, le transfert de pollution notamment.
S’agissant du déchet, le livre le définit sur trois plans : économique, juridique, environnemental et conclu en indiquant que dans la stratégie de gestion des déchets, il faut considérer l’ensemble des déchets produits sur un territoire municipal. Ils passent ensuite à la présentation de la typologie des déchets en dévoilant que cette classification est fortement inspirée de la définition de la loi du 15 juillet 1975 en France. A ce stade il y a lieu de relever, pour le déplorer, le fait que cette catégorisation de déchets ne s’appuie pas sur une analyse endogène tirée de la grande expérience des auteurs.
Or, les auteurs poursuivront leur exercice de fixation du cadre conceptuel en présentant, dans un tableau, les 20 filières de traitement de déchets répertoriées par Navarro en 2012. A partir de cette présentation, ils vont classer les filières de traitement de déchets en deux grands groupes:
• les filières de valorisation dont l'objet est d'exploiter le contenu matière et/ou énergie du déchet ;
• les filières d'élimination ou dépollution.
Pour clore ce chapitre, les auteurs vont examiner, à travers ces 20 filières de traitement celles qui sont applicables aux ordures ménagères. Cette démarche fournit à cette grille de lecture axiomatique un important support didactique de l’ouvrage.
Le second chapitre est une critique très étayée et convaincante de la façon dont les ordures ménagères sont gérées actuellement dans les villes des pays en développement. Ceci par l’application de la grille de lecture proposée plus haut. Pour les auteurs cette dégradation est principalement due au système de collecte traditionnelle qui est le plus courant dans ces villes. Il a pour principale particularité l’utilisation de matériels rudimentaires qui ont une influence non seulement sur le rendement du service mais sur la nature des pollutions générées par les déchets. Les auteurs n’ont guère de peine à étayer leur thèse à partir de très nombreux exemples venant du Cameroun, du Maroc, du Sénégal, du Mali….Toutefois, ils relatives en montrant que cette activité est mobilisatrice de main-d’œuvre dans les grandes villes africaines en proie au chômage des jeunes. Et pourtant, en plus de la collecte traditionnelle, les auteurs observent d’une manière dispersée des expériences de valorisation des ordures ménagères dans ces villes. Ce qui a pour conséquence une faible capacité financière de la gestion des déchets.
Si à l’évidence, les contraintes du financement sont partout au cœur du processus, l’argument le plus souvent mis en avant pour justifier les réformes des services publics est l’amélioration de la qualité des services que la transformation des « usagers » en « clients » est censée générer de manière quasi mécanique. En réalité, la plupart des expériences dont l’ouvrage témoigne montre que rien à ce stade du processus ne permet de confirmer cette hypothèse, le bilan de plus de deux décennies de réformes paraissant pour le moins controversé. La meilleure illustration en est sans doute donnée au Cameroun et à titre d'exemple, on constate que, pour les élus locaux, l'idée de déchet est très contrastée. L'idée que les déchets urbains en général constitueraient une source de richesse reste ancrée chez certains élus, qui pensent dès lors qu'il faudrait juste mettre des équipements de base pour produire de la richesse à partir des déchets. Cette situation montre une mauvaise connaissance de la part de ces élus, une mauvaise connaissance des coûts réels des différents services de déchets et des contraintes associées. Par contre, certaines municipalités perçoivent l’ampleur du problème ; mais elles sont débordées par les problèmes et paralysées par la faiblesse de leurs moyens financiers.
Le troisième chapitre, complète d’abord le cadre conceptuel avant de proposer des exemples d’application. On distingue ainsi déchets ménagères et non ménagers. Les déchets ménagères sont caractérisés par leur hétérogénéité ; à cet effet, les auteurs proposent de définir les stratégies d’identification des déchets solides ménagers ; à savoirs : les stratégies directes et les stratégies indirectes. Toutefois, ils indiquent une troisième stratégie qu’ils jugent plus efficace que les précédentes. Il s’agit de la stratégie d’identification des déchets qui peut être aussi faite à la source, c’est-à-dire au près du producteur. Ensuite, les auteurs passent en revue les méthodes d’évaluation des flux. Le point de départ de la démarche ici proposée : il est important de concevoir une campagne d’identification en trois étapes importantes, la préparation de la campagne, le choix de la méthode d'échantillonnage et l'organisation de la campagne. Les auteurs qui adoptent une approche pragmatique afin que les lecteurs ne se perdent pas dans des dédales théoriques, s’attachent à appliquer ces méthodes pour la caractérisation des déchets ménagers de sept villes du Cameroun. Ceci en prenant le risque de limiter le champ de leur étude à un seul pays africain.
S’agissant du deuxième concept relatif à l’identification des déchets non ménagers, les auteurs indiquent sans le préciser que les déchets non ménagers sont une grande famille complexe où l’on retrouve aussi des déchets assimilable aux ordures ménagères. Ils complètent cette définition en exposant trois méthodes d’évaluation : l’approche par bilan des flux, l’approche par système « entité-relation » et l’approche indirecte par les indicateurs. Toutefois ces données sont difficiles à obtenir dans le contexte des villes africaines et la méthode par le bilan des flux ne peut être appliquée.
En même temps l’ambition des auteurs trouve une limite importante dans le cadre de ce chapitre quatre, pauvre en éléments empiriques. La ville de Yaoundé au Cameroun est utilisée comme le seul échantillon pour étayer à la fois la méthode utilisée pour identifier les déchets ménagers et non ménagers. Ceci est probablement dû au manque de consensus sur les approches d’évaluation des déchets.
Dans le quatrième chapitre, les contributions analysent les instruments et les dispositifs associés à la mise en œuvre de la gestion des déchets. Les auteurs y considèrent les obstacles et les conditions favorables à cette mise en œuvre, que ce soit en termes de gouvernance, de mécanismes de coordination entre acteurs ou encore d’instruments d’action publique (agendas 21 locaux, écoquartiers, contrats de quartier, politiques climatiques locales, etc.).
Aussi, l'objectif poursuivi dans ce chapitre cinq est-il d'arriver à aider au choix de filières de traitements les plus adaptées, avec prise en compte des critères environnementaux et économiques et dans le respect des contraintes environnementales et financières, relèvent les auteurs. En effet, ce denier chapitre propose un regard prospectif d’une grande pertinence à propos du choix sus évoqué. Car, les auteurs y concluent que l’incinération des déchets telle que pratiquée dans la plupart des pays tempérées pour la production de l’électricité ou de la chaleur ne peut être appliquée avec efficacité dans les cas étudiés dans cet ouvrage. Ils soutiennent que le salut des villes africaines passe par les filières de traitement biologique et les différentes filières de récupération des matières.
On le voit, ce livre n’est pas seulement un vrai manuel et un excellent outil de travail. Les auteurs cherchent à « politiser » les interventions publiques qui ont souffert trop longtemps de la prééminence de leur caractère technique ; il s’agirait de faire de nouveaux choix, impliquant tous les acteurs publics et privés, de s’appuyer sur des principes communs à toutes les villes, mais en les déclinant sous forme de projets de ville spécifique et d’harmoniser l’intervention des acteurs. La démarche des auteurs a pour ambition de retenir une démarche globale et cohérente. Les auteurs précisent les choix qu’il conviendrait de faire et analyse les principales lignes du projet de la nouvelle politique de la ville africaine.
Références électronique :
Emmanuel Ngnikam et Emile Tanawa, Université de Technologie de Belfort-Montbéliard, 2006, 288p, Les villes Africaines face à leurs déchets.Vol. 1 , Yves-Claude Lequin. Consulté le 03 octobre 2016. URL http://www.utbm.fr/media/pem/LivreNum_LesVillesDafriqueFaceAleursDechets.pdf
Cette note de lecture porte sur l’ouvrage intitulé « Les villes d’Afrique face à leurs déchets ».
Le contexte africain en matière de traitement des déchets représente une problématique d’envergure, à l’heure où les enjeux de développement durable sont centrales pour l’ensemble de la planète. La question du traitement des ordures a toujours fait parti de l’histoire du développement urbain, voir du développement de la société moderne. En Afrique, le choix de la méthode de gestion est contraint par plusieurs facteurs: le climat, la situation économique, la technologie voir la culture. Le développement démographique africain engendre une quantité colossale de déchets à gérer. Une analyse de la situation actuelle et des propositions d’actions sont essentiels pour assurer la propreté des villes et leur développement.
Les auteurs
Emile TANAWA est professeur des universités et directeur régional de l’Agence universitaire de la Francophonie pour la Caraïbe depuis 2004. Docteur en aménagement et techniques urbaines de l’INSA de Lyon, il a été pendant plusieurs années expert auprès d’organisations internationales (PNUD, PDM, FEICOM, ONU-Habitat) sur les questions urbaines.
Emmanuel Ngnikam est ingénieur du génie civil, diplômé de l’Ecole nationale supérieure polytechnique de Yaoundé et titulaire d’un doctorat en sciences et techniques de déchets de l’INSA de Lyon en France. En plus de sa qualité d’enseignant, il est un homme de terrain rompu dans les conduites des projets particulièrement dans le domaine de gestion et traitement des déchets, des infrastructures de développement urbain participatif et d’électrification rurale.
L’ouvrage nous renseigne et nous alerte sur le fait que le traitement des déchets fait parti des domaines cruciaux en matière de développement urbain. Souvent mis à l’écart, traité de condition usuelle, la priorité est donnée aux transports, à l’habitat, à l’industrie, etc. Les auteurs nous sensibilisent sur cette réalité et ses enjeux, qu’ils se situent en Afrique ou partout ailleurs dans le monde, à l’échelle urbaine comme ménagère.
Trois thèmes sont abordés dans cette note de lecture, à savoir:
les filières de traitement des déchets, les pratiques de gestion actuelle des ordures (dans les pays en développement) et leur évaluation, les acteurs institutionnels et réglementaires.
Les filières de traitement des déchets.
Suivant la provenance des déchets, ceux-ci s’avèrent être de nature très hétérogène. Cette nature peut évoluer selon le développement des infrastructures et des fonctions du lieu où les déchets sont produits. Les déchets où le climat est pluvieux sont plus conséquents que ceux dans un climat sec. Les secteurs de travail (agricoles ou commercial) des villes influencent également le type de déchets produits. De plus, on mentionne également la classe sociale comme déterminante de la qualité. En effet, les habitations de haut standing produisent des déchets de « meilleure qualité » que les quartiers plus défavorisés. Cette situation engendre la mise en place idéale d’un traitement catégorisé selon chaque matière, les valorisant et minimisant les déchets lourds. Les auteurs désignent 20 filières de traitement, classées selon diverses techniques comme la combustion, la transformation, l’épuration, l’incinération, dont l’objectif revient soit à valoriser une matière, soit à l’éliminer ou la dépolluer.
On distingue aussi deux types de décharges: la décharge contrôlée (implantation étudiée, infrastructure) et la décharge sauvage (terrains vagues sans réglementation). Cette situation est due à l’image de la décharge dans les pays en voie de développement. Celle-ci représente un lieu d’entreposage et non pas une filière d’élimination. L’objectif est de réaliser un état des lieux très poussé (ex. Cameroun) afin de déterminer les besoins réels d’infrastructure à mettre en place. Le lieu d’implantation, les transports et les coûts de constructions sont toutefois un frein général.
Les pratiques de gestion actuelle des ordures et leur évaluation
Comme mentionné précédemment, la pratique de la décharge sauvage est récurante dans les villes africaines. Elles est due à l’impossibilité des habitants à pouvoir rejoindre un secteur de déchèterie proche de leur domicile. Les conséquences sur l’environnement comme la pollution des eaux et des nappes sont par conséquent catastrophiques.
Les pratiques de collectes les plus courantes sont définis selon trois méthodes:
la collecte dite « traditionnelle » , prise en charge par la municipalité, qui est un système très répandu en Afrique. Les étapes sont la pré-collecte, la collecte et le transport, la mise en décharge. Les outils précaires de collecte, anciens véhicules non adaptés et route en mauvais états rendent cette pratique difficile et produisent un rendement finalement peu efficace face à la masse de détritus. De plus, l’investissement financier n’est pas assuré, ni par les usagés, ni par les institutions en charge.
La collecte de récupération et recyclage est elle aussi fortement pratiquée. Elle crée des emplois et valorise le matériau dans l’optique dans nouvel usage et donc d’une prolongation de vie avant son « retour à la nature ». Cependant, cette forme de pratique reste artisanale et ne concerne qu’une petite partie du flux des déchets. Il n’y a pas d’institution à proprement parlé qui travaillerait sur un volume global.
Finalement, l’une des pratiques mise en valeur par les auteurs est le traitement biologique, qui consiste au compostage et à la méthanisation des déchets organiques, principale source rejetée par les ménage. Cette pratique recèle un intérêt financier particulier. Malgré cela, le processus de mécanisation du compost nécessite une technologie moderne couteuse. De plus, la notoriété de ce produit n’est pas encore établie dans les valeurs économiques africaine. Le financement de cette technique est ainsi très difficile à trouver.
La valorisation des produits, que ce soit par le recyclage ou la récupération, ainsi que le traitement biologique sont des pistes intéressantes qu’il reste à développer.
Les acteurs institutionnels et réglementaires
Les acteurs sont hiérarchisés en trois catégories. Le premier est l’Etat, qui établi des stratégies au niveau national, fixe le cadre réglementaire et le participation au financement. Cependant, les statistiques et les moyens mis en oeuvre pour évaluer la situation ne sont pas suffisant. Les actions sont limitées et manquent d’efficacité. Le deuxième est la municipalité (commune). Elle définit les règles locales, assure le suivi et le financement de son territoire. Leur niveau d’action est relativement faible. Le système de taxe n’est pas généralisé ni réellement établi dans les moeurs. Il ressort que les pouvoirs donnés aux élus locaux ne leur permettent pas d’agir efficacement pour la protection de leur environnement et la salubrité des agglomérations. Un manque certain de coordination et définition des responsabilités (rôle de chacun) au sein de la hiérarchie (relation verticale) est à dénoncer comme problème principal. Le financement est secondaire. Enfin, il y a les acteurs de type ONG, que l’on tolère mais qui n’ont aucun pouvoir sur les systèmes réglementaires.
On peut conclure cette note par le fait que tout développement sociétaire engendre son cotât de déchets. Le mieux est de développer conjointement les problématique afin de gérer cette problématique dans les meilleures circonstances. Les déchets doivent être identifier et leur statut reconsidérer. La sensibilisation des institutions et des particuliers est essentielle quand au bon fonctionnement des filières. Une meilleure évaluation, selon des statistiques précises doit être faîte pour chaque région. Pour ce faire, les communes devraient disposer de plus de moyens législatifs et réglementaire afin de mieux maîtriser le flux des déchets. Cet ouvrage m’a beaucoup appris sur les méthodes de gestion des déchets. Il a réveillé en moi une prise de conscience quant à la complexité et les enjeux présents non seulement en Afrique, mais sur toute la planète. Nous l’avons vu en cours (Villes africaines I: Introduction à la planification urbaine), tout le monde est d’accord que l’écologie et la protection de l’environnement sont des notions qu’il faut suivre. Cependant, dès qu’il faut faire des efforts particuliers ou payer des taxes en plus, nous sommes souvent récalcitrants. L’exemple de la taxe poubelle imposée au canton de Vaud (déjà en vigueur dans beaucoup d’autres cantons) en est la preuve. L’évidence d’une implication plus forte de la part des citoyens est claire. Il en va de la qualité, de la vie urbaine en générale.
Bibliographie
Emmanuel Ngnikam, Emile Tanawa (2006). Les villes d’Afrique face à leurs déchets. Belfort, Editorial multimedia de l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard
Cette note de lecture se fait sur le livre « Les villes d’Afrique face à leur déchets » parue en 2006. Les auteurs sont un ingénieur du génie civil, Emmanuel Ngikam, diplômé de l’Ecole nationale supérieur polytechnique de Yaoundé et docteur en sciences et techniques de déchets de l’INSA de Lyon en France, et un professeur des universités et directeur régional de l’Agence universitaire de la Francophonie pour la Caraïbe, Emile Tanawa.
Cet ouvrage traite de la question de la gestion et du traitement des déchets urbains dans les villes africaines. Un continent qui doit faire face à tant de défis, autant économique que écologique ou social. Certains enjeux sont plus visibles que d’autres dues au fait que leurs effets sont plus directes et perceptibles, comme par exemple la pauvreté. Les premières causes qui viennent à l’esprit sont bien sûr les questions économiques. Pourtant, tout travail demande des conditions saines. Sans un environnement sain, les conséquences peuvent être graves et irréversibles. Aujourd’hui, les effets des déchets sont visibles…
Ce livre est le résultat de dix années de recherches effectuées par deux étudiants, dont l’un d’eux est un des auteurs de cet ouvrage, qui est basé autant sur la théorie que la pratique avec des travaux réalisés de 1992 à 2004 sur divers villes d’Afrique. La confrontation à la réalité a débuté dès leur arrivée dans le premier quartier d’étude : « […] le ruisseau où la population se débarrassait de ses déchets quand il pleuvait débordait régulièrement de son lit: matières plastiques, papiers et cartons, épluchures diverses se répandaient alors dans le bas-fond et dans les jardinets… ».
Même si le sujet du livre est le traitement des déchets en Afrique, celui qui est au centre du débat est l’habitant. C’est pour lui et par lui que la question est traitée. Les défis concernent toute la population. Mais avant de décrire le rôles qu’attribuent les auteurs au différents acteurs, il est important de percevoir la valorisation des déchets, d’analyser comment ceux-ci sont traités actuellement dans les pays en développement pour enfin proposer une démarche globale de gestion alliant le développement économique et écologique.
Avant même d’évaluer le produit, il est important de savoir de quoi nous parlons. La définition du déchet prend différent sens selon le point de vue depuis lequel nous l’observons. D’un point de vue économique, juridique ou environnemental. Néanmoins, celles-ci diffèrent encore selon les pays. Dans la stratégie de gestion des déchets, il faut toutefois considérer l’ensemble des déchets produits sur un territoire municipal où ils sont classés : « Selon leur provenance, leurs caractères de dangerosité ou d’encombrement et aussi par la méthode utilisée pour leur collecte et leur traitement communs » . Une méthode qui doit passer par la valorisation du déchet qui permet d’observer les potentialités du déchet, savoir s’il est possible de lui en tirer de l’énergie, de lui trouver un nouvel usage, de lui tirer une matière première secondaire ou encore s’il permet à un autre déchet de redevenir utile. L’objectif de cette valorisation étant de réduire les déchets ultimes. Indépendamment de ces bénéfices, à la fin un nouveau déchet naît. Cependant, le retour de la matière vers le milieu naturel est plus long, ce qui est un avantage sur l’aspect environnemental. C’est pourquoi avant de se lancer dans une technique de valorisation, il est important de faire une analyse très technique des déchets afin de pouvoir faire un choix sur le procédé à appliquer. Tout ceci en prenant en compte le milieu environnemental où les centres de traitement seront installés.
Lorsque le déchet est mis en contact avec le milieu naturel, il est important d’observer les interactions qui s’établissent entre le déchet et son milieu environnant. Une des étapes importantes avant d’appliquer une méthodologie dans la gestion des ordures est d’observer les pratiques actuelles. Deux pratiques se distinguent: celle prise en charge par les municipalités et celle prise par le secteur privé, assurée de manière informel. Outre les problèmes financiers qui rendent très difficile d’appliquer une pratique commune (la « précollecte » étant reconnue comme l’une des meilleures solutions), l’implication de la population est un facteur déterminant dans la réussite des projets. Selon leur étude, il semblerait que l’échec de nombreuse expériences est souvent lié au fait que ce facteur n’a suffisamment pas été estimé. Alors comment encourager la population à prendre part aux actions dans le traitement des déchets? Il est évident qu’avant toute démarche d’action, les structures responsables doivent avant toute chose informer et sensibiliser ses habitants afin qu’ils perçoivent l’interêt de l’action. « La sensibilisation et l’information pour la [population] convaincre de l’utilité de telles initiatives sont indispensables pour la durabilité et le financement des opérations ». Cependant, les expériences ont démontré qu’une grande partie de la population est marginalisée (distinction des classes sociales, éducation scolaire inaccessible, maladies, etc). S’ajoutent à ceux-là d’autres difficultés qui freinent la participation et la mobilisation des habitants au commencement même d’une action comme, la méfiance de la population vis-à-vis des initiatives collectives après un précédent échec, ou les tensions ethniques qui empêchent le regroupement et les actions de solidarité. En outre, les questions de tradition qui sont très encrées dans les mentalités de certaines régions d’Afrique sont également à prendre en compte dans la manière de les interpeller et leur faire prendre conscience des causes et effets de leur comportement par rapport aux déchets.
A travers ces questions de responsabilités, il est crucial de relever le rôle des différents acteurs.
A partir d’une étude de cas à Yaoundé, les auteurs de cet ouvrage classifient le jeux des acteurs dans la gestion des déchets en trois groupes sur la base de leur niveau de responsabilité dans la prise de décisions:
Les acteurs décisionnels de première ordre (principalement l’Etat) qui ont pour rôle de fixer les stratégies à l’échelle du pays, de formuler les normes et la réglementation en matière de propreté et également de gérer les stratégies de financement de la gestion des déchets. Malheureusement les conflits internes au gouvernement, les intérêts sociaux discordants et les faibles ressources financières limitent souvent les démarches et diminue l’efficacité de leur action.
Les acteurs décisionnels de deuxième ordre qui son représentés par les communes urbaines d’arrondissement sont responsables d’appliquer les instructions gouvernementales. Ils définissent les normes locales, le suivi de la gestion et le financement de l’opération.
Les acteurs transversaux ne sont pas officiellement reconnues, comme les organisations non gouvernementales, mais elles sont tolérées. Néanmoins, de part leur actions de proximité, ils peuvent avoir une influence importante dans les décisions des communes ou bien leur faire pression.
Il est à noter que dans ce dernier groupe, la relation des ONG se limite généralement à des correspondances d’informations adressées au maire. Mais qu’en est-il des correspondances inter-communales? Ces acteurs transversaux sont décrits comme étant des intervenants très local. Les différentes ONG des différentes communes ne communiquent-elles pas entre elles?
L’autre question qui se pose également est le rôle de l’usager. N’est-il pas parmi les premiers acteurs dans la gestion des déchets?
Hormis l’absence d’une réflexion plus approfondie quant au rôle de l’usager dans la gestion des déchets, cet ouvrage nous fait tout de même prendre conscience de la situation non seulement local, mais aussi au niveau continental. Leurs propres expériences qui sont décrites et détaillées à travers des tableaux complets permettent de réaliser à quel point la question est complexe mais néanmoins, les moyens d’agir existent. Bien qu’une action dans une ville ne soit pas forcément applicable dans une autre, la démarche et la réflexion débutent avant tout sur des observations d’abord à petite échelle avant de passer à des échelles plus grandes. Ce qu’il en ressort est sans nul doute l’importance des échanges, des communications entre les différents acteurs autant au niveau local qu’au niveau national et même internationale. Sans un partage commun, une action commune, aucune démarche ne pourra être menée à terme.
Bibliographie : Emmanuel Ngnikam, Emile Tanawa (2006). Les villes d’Afrique face à leurs déchets. Belfort, Editorial multimedia de l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliar
Cette note de lecture est faite à partir de l’ouvrage intitulé « Les villes africaines face à leurs déchets ». Cet ouvrage est écrit par les auteurs Emile TANAWA (professeur d’université, docteur en aménagement et techniques urbaines de l’INSA de Lyon) et Emmanuel NGNIKAM (ingénieur du génie civil, docteur en sciences et techniques des déchets). Préfacé par Paul Vermande, Professeur émérite de l’INSA de Lyon (France), cet ouvrage est réalisé avec le soutien de l’Agence universitaire de la Francophonie.
Pour écrire cet ouvrage, les auteurs ont fait appel aux travaux de recherche qu’ils ont pu effectuer sur le terrain de 1992 à 2004 dans une dizaine de villes d’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Fruit de dix années de recherche appliquée et d’expériences de terrain effectuées par les auteurs, eux-mêmes, cet ouvrage s’inscrit dans le cadre de leur contribution à relever l’un des défis majeurs, qui est de pouvoir intégrer les différentes attentes expérimentées au sein d’un système global de gestion cohérent et pérenne qui peut servir comme élément de base pour les pays ou leurs villes vont face à la problématique des déchets, dont les ordures ménagères en particulier.
Dans cet ouvrage, les auteurs analysent les étapes de la gestion et du traitement des déchets, les politiques et leur financement pour finir avec une revue du cadre institutionnel en Afrique.
Dans cette note de lecture, nous aborderons les trois thèmes référant aux filières de traitement des déchets, les pratiques actuelles de gestion des ordures ménagères dans les villes pour terminer avec l’analyse des rôles des acteurs de la gestion des déchets.
Thème 1. Les filières de traitements de déchets
Tout système de gestion des déchets pour être global doit intégrer toutes les étapes du cycle de vie du déchet (CVD) depuis la production en passant par la collecte, le transport, le traitement jusqu’à son élimination ou la mise en décharge.
La problématique des déchets étant complexe, elle mérite d’être prise en compte de manière rationnelle car de sa bonne gestion dépend la santé de la population. Elle ne doit pas être considérée comme étant seulement une question d’ordre financier et institutionnel, mais surtout d’ordre administratif et politique et technique.
Etant donné l’hétérogénéité des ordures ménagères dans la stratégie de traitement des déchets, il est évident qu’il faut considérer l’ensemble des déchets produits sur le territoire municipal. Les expériences des auteurs leurs ont permis, selon la typologie des déchets de les catégoriser en quatre (4) grands groupes et à chacun des groupes est associé des sous-catégories avec une description sommaire. Classement qui est fait selon leur provenance, leurs caractères de dangerosité ou d’encombrement et aussi par la méthode utilisée pour la collecte et leur traitement communs. L’expérience des auteurs et leurs recherches les ont permis de faire un classement en vingt filières de traitements des déchets. Quelque soit la nature des déchets, elle peut être classé en six (6) grands objectifs de valorisation des déchets. Les filières de traitement peuvent être classées en deux (2) grands groupes : Les filières de valorisation et les filières d’élimination ou de dépollution. Il est fort de constaté que quelque soit la nature des déchets, ils peuvent être traités selon l’une ou plusieurs des vingt filières présentées.
Thème 2. Pratiques actuelles de gestion des ordures ménagères dans les villes en développement
Parmi les principaux défis que les municipalités des villes des pays en développement font face, nous pouvons citer la gestion des déchets solides municipaux. La collecte traditionnelle des ordures ménagères est l’une des pratiques très répandue dans les pays d’Afrique. C’est le système le plus courant dans ces villes et il a pour principale particularité l’utilisation des matériels rudimentaires ayant une influence non seulement sur le rendement du service mais aussi sur la nature des pollutions générées par les déchets.
Cette pratique, essentiellement, vise à enlever les ordures ménagères déposées par les ménages dans les espaces publics (rues, places publiques, marchés, etc.). Elle intègre trois étapes : la precollecte, la collecte et le transport, la mise en décharge.
Dans certaines villes africaines, l’une des caractéristiques majeures des villes est l’insuffisance des voies de circulation ou leur mauvais état, rendant impossible l’accès par camion dans les quartiers.
Il est évident que la population a un rôle déterminant dans la réussite des projets de pré collecte d’ordures. L’un des aspects à prendre en compte est la sensibilisation et l’information afin de les convaincre de l’utilité et de l’indispensabilité de telles initiatives.
L’expérience faite au Mali et au Sénégal montre que les structures de femmes, les associations de quartiers peuvent contribuer à assainir les villes si et seulement si elles prennent en compte la contribution qu’elles peuvent apporter, en sensibilisant la communauté, étant donné que les ordures générées dans les quartiers et le plus souvent par les femmes dans les ménages.
Thème 3. Le rôle des acteurs dans la gestion des déchets
La gestion des ordures ménagères fait intervenir beaucoup d’acteurs. Bien que nombreux, cette multiplicité des acteurs ne permet pas de résoudre le problème en profondeur.
Bien que le rôle de chaque acteur soit bien défini, parfois les enjeux sont tellement grands qu’ils se marchent l’un sur les pieds de l’autre.
Dans certains pays africains les interventions dans la gestion des déchets sont faits par les ministères et pour d’autres par les municipalités dotant d’un faible moyen d’action. Au Cameroun par exemple, il est permis, dans les textes de loi, aux communes de percevoir des taxes afin de se doter des ressources pour l’enlèvement des ordures ménagères.
Etant donné que les ordures sont produites dans les ménages et que ces dernières sont redevables aux communes ou municipalités, nous pensons que l’Etat central aurait dû doter chaque municipalité de moyens leur permettant de procéder à la gestion des ordures produites dans la municipalité. Afin d’éviter une mauvaise gestion de ces fonds, un cadre réglementaire devait être clairement établi responsabilisant les municipalités et leur offrant l’opportunité de négocier avec les partenaires bilatéraux intervenant dans ce secteur.
Somme toute, la problématique des déchets, en particulier les ordures ménagères étant très complexes nécessite une prise en considération par tous les acteurs intervenant dans ce secteur mais de manière coordonnée. Cet ouvrage offre beaucoup de filières de traitement des ordures ménagères constituant une mine d’informations et des pistes de solutions expérimentées qui pourraient être appliquées dans d’autres pays en voie de développement. Les pratiques de gestion des ordures en Afrique ne sont différentes que celles de certains pays de la caraïbe. En ce qui a trait au cadre institutionnel, il ne demeure pas si différent non plus. Fort de cela et étant donné les similitudes existant entre certains pays de la Caraïbe et ceux de l’Afrique, il serait plausible de voir comment ces informations pourraient être utilisées afin de résoudre les problèmes liés à la gestion des ordures ménagères qui posent beaucoup de problèmes dans certains pays de la région de la Caraïbe.
Bibliographie : Emmanuel Ngnikam, Emile Tanawa (2006). Les villes d’Afrique face à leurs déchets. Belfort, Editorial multimedia de l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliar
L’ouvrage qui va faire l’objet de cette note de lecture est le fruit d’un long travail de recherche qui se sera étalé sur une dizaine d’années, période après laquelle les deux auteurs, Emmanuel Ngnikam (ingénieur du génie civil) et Emile Tanawa (Docteur en aménagement et techniques urbaines), publieront leurs recherches sous le titre aussi désolant que réaliste : « Les villes d’Afrique face à leurs déchets ».
Derrière cette thématique qui, reconnaissons-le, est souvent mise en second plan dans les débats urbains contemporains, une réalité se cache et il est nécessaire d’en prendre connaissance afin de pouvoir, aujourd’hui ou demain, agir individuellement pour une cause commune. Cet ouvrage nous apprend que, si les déchets sont comme leur sort régulièrement mis de côté, dissimulés, ignorés aveuglément parfois, ils s’inscrivent en réalité dans un processus de planification urbaine complexe qui engage de nombreux enjeux, de l’échelle de la collectivité à celle de l’individu. Par le biais de cette note de lecture, nous essayerons de restituer et de discuter les propos des auteurs en ciblant les thématiques abordant la question de la planification urbaine afin de pouvoir en tirer des leçons instructives dans notre propre quotidien. Ainsi, ces quelques lignes pourront-elles peut-être sensibiliser son lecteur à cette question non seulement africaine, mais planétaire qu’est la gestion des ordures, qu’elles soient ménagères ou industrielles.
Dans un premier temps, avant d’aborder les questions pratiques et de l’ordre de la planification, il est important de garder à l’esprit que la gestion des ordures fait partie d’une réalité qui est nôtre et dont nous sommes tous responsables. Certaines situations malheureuses nous le rappellent avec tristesse, comme lorsque l’auteur décrit par exemple la scène suivante : « le ruisseau où la population se débarrassait de ses déchets quand il pleuvait débordait régulièrement de son lit : matières plastiques, papiers et cartons, épluchures diverses se répandaient alors dans le bas-fond et dans les jardinets ». Face à de telles situations, comment ne pas réagir ? Auprès de qui réagir ? Cette dernière question suppose qu’il y ait un (ou plusieurs) responsables ? Nous verrons que la situation est parfois bien plus complexe qu’on ne peut l’imaginer.
Dans le cadre de notre cours sur la planification, il serait judicieux de se demander avant tout quelles sont les hypothèses qu’il est important de garder à l’esprit lorsque l’on parle de déchets et de leur évacuation. Tout d’abord, et les auteurs le soulignent parfaitement, il n’y a pas une solution applicable en tout temps, en tout lieux, mais ce qui a marché pour une ville dans un pays donné n’est souvent pas applicable à une autre ville du même pays. Ainsi, comme tout acte de planification urbaine, il est primordial d’avoir une connaissance tant globale que ponctuelle des zones et secteurs sur lesquels on interviendra. De plus, la question de la gestion des déchets n’est certainement pas à prendre à la légère, car « les quantités de matière en jeu sont monumentales, de l’ordre de 1000 tonnes par jour pour une ville d’environ un million d’habitants ». On comprend par conséquent que les investissements, eux-aussi, sont de manière analogue souvent très importants…
Ces quelques considérations prises en compte, observons à présent de manière attentive le cas des villes africaines. Tout visiteur même non attentif remarquera rapidement que, dans les zones en périphérie des centre-villes, le problème dit des « décharges sauvages » est un véritable fléau. De nombreuses familles, du fait d’un endroit de stockage trop éloigné de leur domicile, se retrouvent contraintes à déposer leurs ordures en face de chez eux. Quelles en sont les conséquences ? Trop nombreuses pour être citées de manière exhaustive ici ! Notons toutefois : l’écoulement insalubre des jus des déchets qui polluent les cours d’eau et les nappes souterraines, l’émanation de gaz de fermentation hautement inflammables, de multiples animaux qui viennent rôder à la recherche de nourriture, l’augmentation du phénomène de « l’effet de serre » dont on entend si souvent parler aujourd’hui, sans parler de l’aspect publicitaire de ces villes qui en est fortement dégradé. Les enjeux sont donc multiples et touchent toutes les sphères qui fondent le processus de planification : l’environnement, l’économie, la gouvernance et la participation active des citoyens,… autant d’enjeux qui nous rappellent qu’une bonne planification, aussi (et surtout !) dans le cadre des ordures, doit viser une solution satisfaisante non pour des classes précises, mais pour la majorité de la population. De fait, la situation n’est pas facile et elle se heurte de surcroît à la tendance générale du continent africain qui connaît une forte croissance démographique et spatiale qui conduit à une complexification de la gestion des déchets du fait que cette croissance physique n’est pas accompagnée d’une croissance équilibrée des flux économiques et financiers. Toutefois, il est intéressant de noter ici que, contre toute attente, « la question des déchets solides ménagers en Afrique est beaucoup moins un problème financier qu’une question d’organisation ».
Outre le phénomène de croissance démographique, nous pouvons souligner dans cet ouvrage que le problème des déchets dans les villes africaines prend sa source également dans la composition de ces derniers qui est de plus en plus « hétérogène et évolutive dans le temps et dans l’espace ». Comme dit précédemment, il est donc indispensable de prendre en compte systématiquement les particularités locales afin de faire des choix portant sur les différentes filières de gestion qui seront mises en place. De plus, si les déchets s’inscrivent dans un véritable cycle de vie (pouvant être valorisés, recyclés, etc), nous pouvons remarquer que l’incidence d’un tel réseau se retrouvera immanquablement dans la façon même d’organiser la ville. En effet, comme le soulignent les auteurs, « les sites de décharges dans les villes d’Afrique (…) sont choisis de manière à ne pas susciter d’aménagements importants. C’est pour cette raison qu’on y rencontre plus de décharges en terrain accidenté ». Planifier la ville, c’est donc planifier ces zones de manière à ce qu’elles soient le moins informelles possibles (et nous savons à quel point l’informalité constitue un frein à la planification dans des zones où l’habitant instaure ses propres normes).
Toutes ces notions étant dès lors abordées, nous pouvons nous demander : comment agir ? Comment rendre ces espaces plus vivables par tout à chacun ? Une des premières actions consisterait à agir sur l’étape de pré-collecte, entendue l’ensemble des opérations par lesquelles les habitants recueillent, rassemblent et stockent leurs déchets, puis les présentent à l’extérieur à des fins d’évacuation. Or, l’une des caractéristiques majeures des villes traitées dans ce livre est l’insuffisance des voies de circulation ou leur mauvais état qui rend inévitablement impossible l’accès par camion dans les quartiers. De plus, certaines distances doivent être gardées en mémoire par la personne qui planifie, comme par exemple la distance maximale de 250 m entre l’habitat le plus éloigné et le conteneur ou l’espace de regroupement des déchets (au-delà de cette distance, on assiste à des dépôts à même le sol de plus en plus nombreux). Ainsi, l’apport volontaire des citoyens pourrait contribuer à diminuer le cout de collecte et il est bien adapté dans des contextes ruraux où l’accès est difficile aux véhicules à quatre roues. Par conséquent, la gestion des ordures doit être directement intégrée dans la planification géographique des villes car elle impose des distances au-delà desquelles le comportement même des habitants pourra en être modifié. Gardons à l’esprit que planifier, c’est avant tout agir sur le quotidien des gens, et que des grands bacs en acier dans le voisinage d’une personne risquerait fortement d’être mal acceptée par cette dernière… Une réelle question d’aménagement urbain et de mise en cohérence des espaces urbains avec le service de propreté urbaine se pose donc et son issue peut parfois avoir des conséquences non négligeables sur le dessin même de la ville. Par conséquence, gardons en tête le rôle déterminant de la population dans la réussite des projets de pré-collecte, en ce sens où la sensibilisation et l’information sont des clés de réussite indispensables pour la durabilité et le financement de telles opérations.
En définitive, nous pouvons nous rappeler que la gestion des ordures s’inscrit dans le processus de planification urbaine comme toute autre étape, et à ce titre elle se doit d’être judicieusement orchestrée. Pour cela, les moyens adéquats doivent être mis en œuvre comme dans toute autre intervention urbaine : une étude de faisabilité par exemple devrait systématiquement être réalisée afin de pouvoir envisager une intervention efficace. Ceci nous renvoie à la nécessité de disposer, par différents outils d’aménagement (cartes, statistiques, SIG,…), de données de base importantes qui nous permettrons de connaître profondément le milieu dans lequel on intervient.
Planifier une ville, c’est donc aussi planifier ses flux (de personnes, de marchandises ou de déchets) et le maître-mot d’une planification réussie pourrait en ce sens être la généralisation du service. En effet, comme le précisent les auteurs de cet ouvrage, « le service d’enlèvement des ordures ménagères est un service public qui doit être rendu à tous. Pour des raisons d’équité et d’efficacité, une intervention sur la gestion des déchets solides urbains ne doit pas se limiter à un ou plusieurs quartiers, mais viser la desserte de tous les habitants ». Nous comprenons ainsi que la clé de la durabilité d’une action planificatrice réside en partie dans son caractère communautaire et non-hiérarchique, car l’homme, qu’il réside en continent africain ou non, saura toujours tirer de ces quelques leçons que agir sur les autres, c’est également agir sur soi-même !
Bibliographie : Emmanuel Ngnikam, Emile Tanawa (2006). Les villes d’Afrique face à leurs déchets. Belfort, Editorial multimedia de l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard
" Dr Ngnikam et Emile Tanawa ont conduit plusieurs projets de recherche action dans le domaine de la gestion des déchets, de l’assainissement et de l’accès à l’eau potable dans les centres urbaines et ruraux du Cameroun qui ont permis de publier plusieurs articles et communications dans les colloques nationaux et internationaux.
Emmanuel Ngnikam est ingénieur du génie civil, diplômé de l’Ecole nationale supérieure polytechnique de Yaoundé et titulaire d’un doctorat en sciences et techniques de déchets de l’INSA de Lyon en France. En plus de sa qualité d’enseignant, il est un homme de terrain rompu dans les conduites des projets particulièrement dans le domaine de gestion et traitement des déchets, des infrastructures de développement urbain participatif et d’électrification rurale…Emile Tanawa est professeur des universités et directeur régional de l’Agence universitaire de la Francophonie pour la Caraïbe depuis septembre 2004. Il est docteur en aménagement et techniques urbaines de l’INSA de Lyon en France. Avec Emmanuel Ngnikam et d’autres collègues, il a créé le Laboratoire environnement et sciences de l’eau de l’Ecole nationale supérieure polytechnique (ENSP) de l’Université de Yaoundé I au Cameroun"
L’ouvrage parle notamment de la gestion des déchets solides ménagers (DSM) en milieu urbain en Afrique, comme dans beaucoup de pays du Sud, partant en général du cas de Cameroun. La réalité est marquée par deux faits communs et décevants : le développement urbain tentaculaire engendrant la formation de quartiers informels dépourvus de tous services de base, dont l’assainissement et la collecte des ordures ménagères ; et le cadre de vie quotidienne insalubre. Le problème de la gestion des déchets est complexe, et n’est pas seulement financier, mais également institutionnel, administratif et politique, technique, et concerne tous les acteurs : producteurs, gestionnaires, la population.
Thème 1 - La valorisation des déchets : à la fois condamnant et bénéfique pour l’environnement
Outre ses bénéfices, la valorisation des déchets laisse pratiquement toujours un sous-produit qui est un nouveau déchet. La notion de transferts de pollution se traduit par les différentes modes de transformation qui sont à l’origine d’autres formes de pollution, que le système de valorisation/traitement utilisé ne pourra pas prendre en compte. Elle se présente sous 2 formes :
- sur la place du traitement même : impacts sur l’environnement par le rejet des restes des déchets suite aux traitements
- la valorisation des déchets elle-même : comme les recyclages qui sont faits pour réduire des productions en plus, mais qui engagent plus d’énergie à utiliser
>> La valorisation retarde le retour d’une matière vers le milieu naturel, d’où un avantage environnemental de la pratique ; mais nous pouvons également estimer que les impacts négatifs de cette valorisation peuvent être supérieurs aux impacts positifs voulus.
>> Pour les pays en développement, les déchets sont surtout à forte présence de matière organique biodégradable. Ainsi est privilégiée dans l’ouvrage la filière de traitement biologique et de récupération de matières par le compostage, méthanisation qui sont favorables à la protection de l’environnement (réduction de la pression sur les terres pas encore défrichées, remplacement du combustible fossile, digestat pour l’agriculture).
Thème 2 – La mise en décharge des déchets : une solution et un problème communs aux villes des pays d’Afrique
La mise en décharge se définit par « la réinsertion » dans le milieu naturel, et ce dans les meilleures conditions possibles des déchets n’ayant pas fait l’objet d’autres traitements de valorisation ou d’élimination (Brula et al.,1995). Mais dans les villes des pays en développement, la décharge est plus perçue comme un lieu de dépôt des décombres, des immondices et des déchets. Or, il s’agit de la seule filière d’élimination des déchets en Afrique. En comparaison,
- 3 catégories dé décharge en France au regard de la protection des eux souterraines : classe I à III, suivant les types et les provenances des déchets
- 2 types de décharge en villes des PED : la décharge contrôlée (étude approfondie de son impact avant implantation) et la décharge sauvage (sans autorisation de l’administration)
>> Les problèmes de l’efficacité technique de traitement des ordures se posent de manière permanente dans les villes des pays en développement. Le chois d’un lieu d’implantation d’une décharge posera toujours problème, à la fois à la municipalité qui aura du mal à en trouver dans la limite de son territoire, et encore moins dans une autre commune avoisinante qui refusera d’être le lieu de dépôt des déchets de son voisin. Aussi, le coût de création d’une décharge est tellement élevé que cela dépasse le pouvoir de la municipalité.
>> Les problèmes du transport et les soucis financiers sont les plus développés par les auteurs pour le transfert vers la décharge. Mais plusieurs autres problèmes d’organisation peuvent être évoqués par rapport à cette question, dont l’horaire de ramassage des ordures, qui est un souci réel et quotidien des villes d’Afrique, où pendant les heures de pointe, les utilisateurs des voiries peuvent encore heurter les camions-bennes entrain de décharger les bacs.
Thème 3 - La gestion des déchets : la précollecte étant une solution en quête de reconnaissance
Les modes de collecte des ordures les plus rencontrés dans les villes d’Afrique sont :
- La collecte traditionnelle : la seule prise en charge par les municipalités. Les autres opérations à la charge des ménages et opérateurs privés.
- La précollecte : ensemble des opérations nécessaires à l’évacuation des ordures ménagères, depuis le logement jusqu’au lieu de collecte par le service attitré. 30 à 50% du gisement des déchets ménagers dans la ville. C’est une filière créatrice d’emploi et assurant la collecte dans les secteurs urbains à faible densité et d’accès difficile aux camions.
La précollecte est souvent assurée par le secteur informel, et est rendue difficile par la présence des dépôts à même le sol au sein des quartiers qui sont d’importantes pertes de temps lors de la collecte. Mais face aux problèmes de gestion des déchets, il s’agit d’une alternative efficace pour un meilleur taux de desserte, jusqu’aux quartiers pauvres
La filière se heurte pourtant à de multiples obstacles dont la difficulté à atteindre un équilibre financier avec les recettes collectées pour l’autofinancement de l’activité. Les problèmes sont communs aux villes : participation, marginalisation d’une partie des habitants, méfiance de la population, tensions ethniques, manque d’organisation avec la municipalité : terrains intermédiaires pour le dépôt des déchets, faible taux de recouvrement (du au faible niveau de vie des habitants du quartier).
>> L’activité de précollecte reste précaire sur le plan financier, sur l’organisation (frontière couverte), par rapport au manque d’appui institutionnel. Mais des initiatives prises dans d’autres villes africaines auraient du être mentionnées et mises en valeur dans l’ouvrage, à titre d’expériences positives. A Antananarivo, par exemple, la municipalité a créé une structure de base dans les quartiers en charge de l’assainissement et de la précollecte des déchets, appelée RF2. Les problèmes rencontrés sont les mêmes mais le fait que l’initiative appartient à la municipalité elle-même constitue l’ossature de la strucuture.
Thème 4 – Les groupes d’acteurs autour de la filière de la gestion des déchets
A partir d’une étude de cas de Yaoundé, 3 groupes d’acteurs ont été recensés dans l’ouvrage.
- Les acteurs décisionnels de premier ordre : dont principalement l’Etat. Il formule les stratégies nationales, les cadres règlementaires et normatifs ainsi que les stratégies de financement de la gestion des déchets. Mais victime d’un manque de données fiables, ces stratégies sont souvent limitées et incomplètes.
- Les acteurs décisionnels de deuxième ordre : les communes urbaines d’arrondissement qui sont responsables des déchets sur leurs territoires. Ils définissent les normes locales, et assurent le suivi de la gestion et de financement de l’opération.
- Les acteurs transversaux : dont les ONG, et dont les interventions sont tolérées mais pas reconnues.
L’oubli de la mention des acteurs informels dans cette section est flagrant vu qu’ils participent majoritairement à la politique de gestion des déchets dans les villes africaines. Aussi, la place des structures intercommunales ne doit également pas être niée, vu que la gestion des déchets est un domaine qui ne peut plus se limiter à l’échelle d’une commune.
En résumé, l’ouvrage est très riche en explications et propositions techniques sur le sujet des déchets, de sa gestion et des options de traitement. Les études de cas sur quelques villes d’Afrique sont très enrichissantes. Il est juste à noter l’insuffisance de la considération du secteur informel, qui est devenu actuellement un secteur sur lequel s’appuient tous les autres acteurs œuvrant autour des déchets.
Il affirme que la durabilité de l’organisation du service dépend fortement de la durabilité du financement, qui dépasse souvent l’Etat et les Communes. Des solutions auraient ainsi pu être avancées, à partir d’étude de cas de certaines villes, comme à Medellin, où la filière des déchets est devenue une source importante de travail et de ressources actuellement.
Enfin, l’image de la ville est souvent citée comme oubliée lorsque les services de collecte des déchets sont mal assurés. Ceci n’étant pas faux, il ne faut pas non plus oublier que la propagation des déchets dans la ville n’affecte pas seulement l’image mais la vie urbaine entière :
- l’hygiène: les déchets abandonnés partout peuvent être sources de maladies pour la population
- les réseaux : les déchets sont souvent sources du mal fonctionnement des réseaux d’assainissement, et de pollution des réseaux d’adduction en eau
- la mobilité : il arrive que les amas de déchets autour des bennes bloquent même une partie de la voirie lorsqu’ils ne sont pas enlevés correctement (comme le cas d’Antananarivo)
- …
Dans de tels ouvrages informant sur des situations dans différentes villes en développement, des partages de bonnes pratiques sont également attendus ; comme dans le cas où les auteurs parlent de besoin de sanctions de la part de l’Etat en plus des sensibilisations, mais aucun exemple n’a été mentionné.
Note de Lecture
Les villes d’Afrique face à leurs déchets
Par Emmanuel NGNIKAM et Émile TANAWA
Préface de Pr. Paul Vermande, Professeur émérite à l’INSA de Lyon, ancien directeur de l’École nationale supérieure polytechnique (ENSP) de Yaoundé
Publication de l’ouvrage assurée par Yves-Claude Lequin, UTBM.
Université de Technologie de Belfort-Montbéliard, 2006, 288 pages.
ISBN : 978-2-914279-32-1
Présentation des auteurs :
Emmanuel NGNIKAM Emile TANAWA
Né au Cameroun, Docteur Emmanuel NGNIKAM est Ingénieur en Génie Civil, diplômé de l’Ecole nationale supérieure polytechnique de Yaoundé (ENSP) où il est enseignant-chercheur. Il est également titulaire d’un doctorat en sciences et techniques de déchets de l’INSA de Lyon en France.
Il dirige l’Equipe Environnement et Sciences de l’Eau du Laboratoire Energie, Eau et Environnement de la même école. Expert réputé dans les domaines de l’eau, de l’assainissement et des déchets, il a notamment contribué à l’élaboration du document de stratégie nationale de Réduction de la Pauvreté en milieu urbain, ainsi que la politique d’accès à l’eau et l’assainissement en milieu rural au Cameroun. Il est auteur de deux ouvrages et de plusieurs articles scientifique dans le domaine des déchets, de l’eau et de l’assainissement
En tant que coordonnateur d’une ONG locale, Dr Ngnikam jouit d'une grande expérience du travail en équipe. Il coordonne au sein de son organisation une équipe de quinze experts et douze travailleurs sous contrat. Il est auteur de plusieurs publications scientifiques sur le sujet.
Ingénieur en génie civil, le Professeur Emile TANAWA est spécialiste de l'aménagement urbain, des sciences et techniques urbaines. Enseignant-chercheur à l'École nationale supérieure polytechnique de l'Université de Yaoundé I au Cameroun, il y a assuré les fonctions de chef du département de la coordination et de la valorisation de la recherche et est membre fondateur du Laboratoire Environnement et Sciences de l'Eau.
Il a été, pendant plusieurs années, expert auprès de quelques organisations nationales internationales (PNUD, PDM, FEICOM, ONUHabitat, …) sur les questions urbaines.
Émile Tanawa a été nommé vice-recteur à la vie associative et à la coordination des régions, en décembre 2011. Il était auparavant directeur du Bureau Afrique de l'Ouest de l'Agence depuis le 1er janvier 2009, après avoir assuré la direction du Bureau Caraïbe de septembre 2004 à décembre 2008. Il est coauteur d'une trentaine d'articles et communications scientifiques publiés, de deux ouvrages, et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs. Il a mené en collaboration avec ses collègues, d'importantes études et travaux d'expertise sur la gestion urbaine, l'eau, les déchets et l'éco-santé. Il a notamment coordonné l'élaboration de la stratégie nationale de réduction de la pauvreté en milieu urbain au Cameroun publiée en 2006.
Ensemble ces deux chercheurs, en collaboration avec leurs collègues, ont crée le « Laboratoire environnement et sciences de l’eau de l´École nationale supérieure polytechnique (ENSP) de l´Université de Yaoundé I au Cameroun ».
Présentation de l’ouvrage
Dans les villes des pays en voie de développement, l’évolution démographique est très élevée et serait le principal facteur d’évolution du flux de déchets Aussi, les grandes villes africaines en général montrent à tout citoyen qui y vit, et surtout à tout visiteur des réalités décevantes comme :
un développement urbain tentaculaire qui engendre des quartiers entiers exclus des services de base tels que l'approvisionnement en eau potable, l’assainissement et la collecte des ordures ménagères ;
un paysage urbain marqué par des amoncellements de détritus et souvent un cadre de vie insalubre.
Cet ouvrage traite de la gestion des déchets qui demeure un problème récurent pour l’ensemble des villes africaines. En effet, Etats, élus locaux, techniciens et usagers cherchent les moyens pour assurer la propreté des villes et préserver leur environnement. Destiné aux étudiants, aux enseignants et aux gestionnaires des villes, cet ouvrage s’appuie sur des travaux de terrain conduits de 1992 à 2004 dans une dizaine de villes d’Afrique de l’ouest et du centre. Ses analyses et propositions concernent aussi d’autres pays du monde tropical. Il analyse la gestion et le traitement des déchets, les politiques et leur financement, enfin le cadre institutionnel en Afrique. Ce livre est donc le résultat de dix années de recherche appliquée et d'expériences de terrain effectuées par les auteurs : il souhaite contribuer à relever l'un des défis majeurs, qui est de pouvoir intégrer les différentes attentes exprimées par les acteurs ci-dessus au sein d'un système global de gestion cohérent et pérenne.
D’après ces auteurs, le système de gestion des déchets pour être global doit intégrer toutes les étapes du cycle de vie du déchet, à savoir : la production, la collecte, le transport, le traitement et l'élimination, qui dans le contexte des villes africaines se résument à la mise en décharge. Pour ce faire, il est nécessaire de disposer d'une connaissance quantifiée, globale, mais aussi différenciée (par catégorie de producteur de déchets, par catégorie spatiale ou socio-économi-que) concernant les flux physiques et les flux financiers, concernant aussi le cheminement des déchets, de la production à l’élimination, en passant par les traitements et les valorisations. C’est ce qui est développé dans cet ouvrage à travers 5 chapitres :
Dans le 1er Chapitre 1 « les filières de traitement des déchets et leur application à la gestion des ordures ménagères » sont abordés la définition des concepts utilisés dans cet ouvra¬ge, les filières de traitements des déchets et particulièrement celles qui sont applicables au traitement des déchets ménagers, déchets ou banals.
Le Chapitre 2 traite des pratiques actuelles de gestion des ordures ménagères dans les villes des pays en développement.
Le Chapitre 3 traite des approches d’évaluation de flux et caractérisation des déchets qui permettent de distinguer les approches conduisant à l'identification des déchets ménagers et non ménagers. Il développe les méthodes d'évaluation de flux et de caractérisation les plus utilisés de même que leur application dans les villes des pays en développement.
Le Chapitre 4 aborde le cadre institutionnel et réglementaire de la gestion des déchets dans quelques pays d’Afrique de l’ouest et du centre.
Et enfin le chapitre 5 se pose la question sur quelles filières de traitement des déchets pour les pays en développement, où l'objectif poursuivi est d'arriver à aider au choix de filières de traitements les plus adaptées, avec prise en compte des critères environnementaux et économiques et dans le respect des contraintes environnementales et financière.
En effet, le plus difficile pour les gestionnaires des villes est de choisir le système à mettre en œuvre en fonction des contraintes environnementales, technologiques, économiques et même culturelles. D’ailleurs, plus de quarante ans après les indépendances africaines, les villes, les institutions, et les États n’ont pas trouvé les solutions appropriées pour collecter, traiter ou éliminer convenablement les déchets solides ménagers (DSM) en milieu urbain en Afrique. Différentes approches ont été préconisées et expérimentées sans qu'elles aient produit les effets escomptés. Il est dit dans cet ouvrage que si la gestion des déchets ménagers s’améliore dans quelques villes d'Afrique centrale et semble un peu mieux maîtrisée, c’est dû en grande partie à leur démarche de recherche appliquée pluridisciplinaire. Celle-ci est en effet indispensable pour adapter et rendre opérationnelles les actions dans ce domaine.
La majorité des populations et des responsables municipaux se deman¬dent ce qu’il faut faire et comment le faire. Il ressort des analyses et des travaux déjà effectués que les problèmes liés à la gestion des déchets dans les grandes villes africaines sont multiformes :
• Institutionnel : le cadre réglementaire est inexistant ou obsolète vis-à-vis des besoins. On observe une multiplicité des acteurs institutionnels qui entraîne des conflits de compétence et d'intervention. Les services centraux des ministères détiennent souvent l'essentiel des moyens finan¬ciers et humains, alors que les responsables des communes doivent gérer le quotidien. Tout ceci entraîne des pertes de temps dans les prises de décision et le rejet mutuel de la responsabilité du dysfonctionnement.
• Financier : la pratique majoritaire, reconnue par les pouvoirs publics, est la perception d'une taxe d'enlèvement des ordures ménagères et le financement de la gestion des déchets par le budget municipal. Or, cette taxe est d'un rendement fiscal faible (moins de 10 % des besoins dans le cas de Yaoundé). En conséquence, les municipalités n’ont pas les moyens financiers1 de rendre le service auquel les populations pensent avoir droit.
Le principe « pollueur payeur », même s’il est évoqué lors de certaines réunions d'experts, est loin d'être admis et il est rarement traduit dans un texte réglementaire adéquat.
• Administratif et politique : la gestion municipale est soumise à la décentralisation en cours dans tous les pays africains. La pro¬tection de l’environnement local, et plus particulièrement de la salubrité publique, est une des premières missions reconnues aux élus locaux. Cependant, le cadre permettant de remplir ces missions est rarement expli¬cité. Les moyens humains et financiers tardent à être transférés. Tout ceci fait que, face à leurs responsabilités en matière de gestion des déchets, les maires sont démunis sur le plan technique autant que financier.
• Technique : il y a une absence totale de normes locales en la matière; les attentes des usagers par rapport aux déchets sont variables :
• Pour les producteurs (les ménages, les entreprises et les industriels), il s’agit de se débarrasser des ordures ménagères et des déchets divers, de les éloigner le plus possible des domiciles et du lieu de travail pour éviter les nuisances,
• Pour les gestionnaires (les collectivités locales), la préoccupation est d’abord d’assurer la propreté des espaces publics, dans le double souci de l’esthétique urbaine et de l’hygiène publique,
• Enfin, les habitants des quartiers ou des villages accueillant les dé¬charges sont de moins en moins tolérants à l’implantation d’une unité de traitements des ordures ménagères dans leur localité. Pour les unités déjà existantes, les riverains sont de plus en plus exigeants sur les traitements à apporter aux déchets en vue de minimiser leurs impacts sur le milieu environnant.
On peut conclure que pour les pays africains, c’est d’abord le développement qui est urgent de promouvoir en maitrisant de mieux en mieux la technologie que cela soit dans les domaines de l’agriculture, que dans l’enseignement, la santé, l’artisanat et l’industrie, le commerce, les transports…
Mais comme toute activité humaine génère des nuisances ou des déchets : pour pouvoir garder le pays et la planète habitables par nos petits enfants et les générations futures, il est essentiel d’éviter les pollutions et de préserver « l’environnement », et par conséquent pouvoir gérer au mieux les déchets produits. Ce qui est démontré est qu’en Afrique, le problème de la gestion des déchets solides ménagers, est plus un souci d’organisation ou de management que financier, comment peuvent le penser certains, vu les nombreux investissements qui ont été déployés dans ce domaine. C’est le défaut d’une utilisation optimale des potentialités locales, dans un cadre participatif transparent, qui justifie le faible rendement des approches et des pratiques qui ont déjà été expérimentées.
Mes attentes dans cet ouvrage c’est que bien qu’il traite du cas de la gestion des déchets en Afrique, et qu’il nous en apprend beaucoup sur les modes de traitement, il en dit peu sur d’autres villes d’Afrique ; s’il aborde les pays d’Afrique centrale et de l’Afrique de l’ouest, où il concentre surtout les recherches sur Yaoundé, il parle peu des villes de l’Afrique du Nord, qui souffrent également des mêmes problèmes, même si la règlementation en la matière y est très développé et que de nombreux investissements y soient consentis.
Le problème d’une urbanisation galopante engendre de plus en plus de déchets et par conséquent beaucoup de difficultés pour les gérer ; Pour une ville de plus d’un million d’habitants ce sont 1.000 tonnes de déchets qui sont produits par jour. Aussi, m’intéressant de prés à la problématique de la gestion des déchets ménagers en Algérie, je pensais pouvoir trouver quelques solutions à appliquer, même s’il est dit que ce qui a « marché » pour une ville dans un pays donné, notamment dans les pays de l’Europe, n’est souvent pas applicable à une autre ville, telles que les villes d’Afrique. Certes, il ne suffit pas de transférer une technique adoptée ailleurs, pour résoudre le problème. En effet, il faut bien cerner la problématique pour pouvoir apporter peu à peu une solution efficace et radicale à long terme, pour éradiquer à tout jamais les images nuisibles et les odeurs nauséabondes que donnent les villes d’Afrique avec des amoncellements de détritus et de déchets dans tout coin de quartiers et de cités, et leur redonner ainsi un cadre de vie plus agréable, et faire d’elles des villes globales capable d’attirer des flux de touristes, tout autant que d’autres villes européennes ou d’Amérique notamment.
Par Sandrine RAFANOMEZANTSOA
1 INTRODUCTION
1.1 Présentation du contexte de publication de l’ouvrage
Le développement génère des nuisances et des déchets. En moyenne les quantités de déchets sur une ville d’environ un million d’habitants est de l’ordre de 1000 tonnes par jour. Les enjeux environnementaux, sanitaires mais aussi économiques et financiers sont colossaux.
En Afrique, le climat, la situation économique de la population et du pays forment des contraintes quant au choix de la méthode de traitement des déchets. En effet, on distingue plusieurs méthodes de traitement de ces déchets : l’incinération, le compostage ou la mise en décharge. Cette dernière est l’option la moins chère et est la plus souvent choisie en Afrique. Les normes et les contraintes d’analyse y sont pourtant très faibles alors que les gaz et liquides issus de la décomposition de ces déchets menacent les cours d’eau et l’environnement alentour et par conséquent les habitants.Il est donc important d’amorcer une démarche globale qui concilie développement économique et le traitement des déchets qui en sont générés.
1.2 Présentation des auteurs
Emmanuel NGNIKAM est ingénieur du génie civil, diplômé de l’École nationale supérieure polytechnique de Yaoundé et titulaire d’un doctorat en sciences et techniques de déchets de l’INSA de Lyon en France. Il a collaboré avec plusieurs collectivités, associations et institutions de développement dans le cadre de projets de développement urbain et a mené avec E.TANAWA des recherches dans le domaine de la gestion des déchets, l’assainissement et l’accès à l’eau potable dans les centres urbains et ruraux du Cameroun.
Émile TANAWA est professeur des universités et directeur régional de l´Agence universitaire de la Francophonie pour la Caraïbe depuis septembre 2004. Il est docteur en aménagement et techniques urbaines de l’INSA de Lyon en France. Il a conduit et encadré plusieurs travaux de recherche, plusieurs projets d’aménagement en rapport avec la gestion des déchets. Il a été, pendant plusieurs années, expert auprès de quelques organisations nationales internationales (PNUD, PDM, FEICOM, ONU Habitat, etc.)
2 L’ouvrage
Les villes, les institutions, et les États n’ont pas trouvé les solutions appropriées pour collecter, traiter ou éliminer convenablement les déchets solides ménagers (DSM) en milieu urbain en Afrique et dans beaucoup de pays du Sud. Différentes approches ont été préconisées et expérimentées sans qu’elles aient produit les effets escomptés. Cet échec est souvent imputé au manque de ressources financières. Mais au-delà de la problématique financière, la difficulté tient surtout en un problème d’organisation et de maîtrise de croissance des flux démographiques et productifs. Le taux de collecte ne dépasse pas les 60% avec une moyenne entre 30 et 40% sur les villes subsahariennes.
Ce livre tente d’apporter des solutions concrètes (ce que les auteurs appellent un « système de gestion des déchets global ») qui englobent l’ensemble des problématiques tant économiques, financiers qu’environnementaux ; et ce afin de contribuer à un développement durable. Les réponses apportées sont appuyées par une dizaine d’année de recherche et d’expérimentation des auteurs au Cameroun et dans d’autres villes d’Afrique.
2.1 Les filières de traitement des déchets et leur application à la gestion des ordures ménagères
La composition des déchets est hétérogène et évolutive dans le temps et dans l’espace. Cela implique la mise en place de filières de traitement complexe qui tienne compte de la particularité de chaque matière qui les compose ; l’objectif étant de valoriser au maximum les matières et donc de minimiser les déchets ultimes.
A travers une analyse très technique des déchets, les auteurs distinguent 20 filières de traitement regroupées selon la technique de valorisation qu’on peut appliquer : de la combustion à l’enfouissement, en passant par la transformation, l’épuration, l’incinération ou la dépollution). Ces filières peuvent être combinées pour former une chaine de traitement.
Le choix du procédé à appliquer doit tenir compte du type de déchets, du climat où le centre de traitement sera implanté…. Dans les zones pluvieuses, les déchets sont plus importants que dans les lieux secs. Une ville marchande présente des déchets différents de ceux d’une ville agricole. Enfin, dans les quartiers dits « haut standing », la quantité de déchets est supérieure à celle des lotissements ou zones périurbaines mais la composition de ces déchets vont également différer. Une étude intéressante révèle dans les unités de production formelles, les déchets sont en général revalorisés, ce qui n’est pas le cas dans les unités informelles, à quelques exceptions près.
Les sondages menés par les auteurs sont précis et techniquement illustrés. Cette partie qui permet de faire un état des lieux des systèmes de gestion des déchets en Afrique, notamment au Cameroun est intéressante. Elle met en exergue des clivages et des points de convergence entre les villes africaines. On peut néanmoins recenser davantage de points communs que de différences. A partir de là, si les études réalisées par les auteurs concernent surtout le Cameroun, les résultats sont transposables globalement, sur les autres villes africaines.
2.2 Pratiques actuelles de gestion des ordures ménagères dans les villes des pays en développement
Les auteurs distinguent plusieurs types de gestion :
• La collecte traditionnelle : Le lien social y joue une place prépondérante pour assurer l’organisation, la pérennisation du système et le respect des engagements par chacune des parties. Les données recueillies par les auteurs montrent cependant que même si ce système s’adapte aisément aux moyens et au mode de vie des africains, le système est artisanal. Il nécessite la mobilisation d’un grand nombre d’associations pour pouvoir atteindre le maximum de ménages et la flexibilité donnée aux usagers quant aux payements menace la durabilité des organismes qui sont souvent précaires.
• La récupération et le recyclage : Cette méthode est appréciée dans les pays en développement. La valorisation des déchets incite les ménages à la récupération et crée des emplois. Cependant, le caractère informel et donc artisanal du procédé ne permet de drainer qu’un faible partie du flux des déchets ménagers.
• Le traitement biologique : le compostage, la méthanisation et autres processus plus complexes de traitement présentent d’importants potentiels. Néanmoins, leur exploitation requiert des techniques élaborés qui ne sont ni adaptés ni suffisamment vulgarisés en Afrique. Enfin, ces filières connaissent une mévente importante. Les composts et autres produits issus des transformations souffrent d’apriori et d’insuffisances de débouchés.
Quant au financement de la gestion des déchets, les auteurs semblent prôner une large participation de l’Etat du fait du coût et des contraintes que ce travail peut représenter. La faille de leur thèse réside certainement dans le paradoxe entre l’idée d’un déchet mercantile (donc avec une valeur et des profits possibles) et la nécessité d’un service public. Or, la vocation d’une administration publique n’est pas de tirer profit de ce service.
En effet, si la nécessité d’une gestion publique de la filière déchets est généralement admise, la nécessité de valoriser les déchets (l’idée étant de limiter les déchets résiduels, il faut donc forcément, opter pour un process de transformation et de revente des déchets) suppose des investissements importants et surtout un marché. Mais qui dit marché dit nécessité d’une mise en concurrence ; un service public est antinomique avec cette idée puisqu’ici la production sera celle d’un monopole non compétitif. Il serait donc plus judicieux de scinder l’activité gestion des déchets : la collecte et la valorisation des déchets. La première action (la collecte) doit être dévolue à l’Etat puisque celui-ci doit être garant de la santé et l’hygiène publique, la protection de l’environnement. Il appartient à l’Etat d’organiser la politique de gestion des déchets ; en revanche, elle doit déléguer au privé les missions de revalorisation qui sont d’ordre « industriels » et potentiellement économiques. La revente des déchets au privé par la collectivité doit être encadrée et destinée essentiellement à financer la collecte des déchets et les actions de protection de l’environnement. Cela permettrait de limiter la contribution des usagers mais aussi, des finances publiques.
Enfin, le rôle des autorités doit surtout porter sur la mise en place d’un cadre règlementaire et institutionnel des filières de traitement des déchets. Les auteurs montrent pourtant que les règlementations sont très peu précises et n’ont guère beaucoup évolué. Il est important de marquer que bien plus que l’Etat, les collectivités locales ont un rôle plus important à jouer à ce niveau par le biais de documents d’urbanismes et d’arrêtés et délibérations ayant des portées plus concrètes qu’une loi.
2.3 Quelles filières de traitement des déchets pour les pays en développement ?
Les cas traités par les auteurs indiquent clairement que l’incinération des déchets ne peut être appliquée efficacement, du moins telle qu’elle est pratiquée en Europe ou en Asie, en Afrique. Ils préconisent davantage les traitements biologiques du fait de la présence en masse de matière organique biodégradable en Afrique.
Le dernier chapitre du livre schématise (de façon très technique d’ailleurs) quelques modèles de traitement qui pourraient être adaptés au contexte africain. Les étapes en seraient une collecte des déchets par apport volontaire, une transformation par compostage, méthanisation ou autre traitement biologique. Les auteurs déterminent et évaluent de façon très technique les différents impacts que ces modèles pourraient avoir sur l’environnement. Malheureusement, l’impact social et économique n’est pas développé. Or, les premiers constats des auteurs étaient que la viabilité d’un système de traitement des déchets urbains passait par une adhésion des populations au système ainsi que par un soutien financier important.
3 CONCLUSION
Cet ouvrage est un état des lieux intéressant du traitement des déchets en Afrique. A partir de l’étude du cas de quelques villes africaines, on peut avoir une idée précise de la réalité de l’environnement des cités africaines. Les auteurs présentent les différentes alternatives qui s’offrent en matière de gestion des déchets pour les villes africaines et en illustrent les différents impacts de façon très précises.
On peut toutefois regretter l’occultation de questions socio-économiques. En effet, si au départ les auteurs reconnaissent qu’un système de gestion des déchets doit tenir compte de cette sphère pour être viable et surtout efficace ; lors de la présentation des alternatives, les mesures d’impact sont essentiellement environnementales. Ainsi, ils préconisent un système de collecte pour une transformation en biogaz. Cependant, si au niveau environnemental cette solution apparait comme la plus appropriée, aucune réflexion n’est menée pour savoir comment organiser ce système de collecte et de production ni comment le financer pour qu’il soit viable, durable et efficace. D’autant plus que dès le départ, ils ont indiqué que ce système souffrait d’une mévente et de la non maîtrise des techniques en Afrique. Toutes les solutions sont intéressantes, encore faut-il qu’elles soient adaptées au contexte de la ville concernée.
La note de lecture ci-après porte sur l’ouvrage intitulé « Les villes d’Afrique face à leurs déchets ». Cet ouvrage est rédigé par Messieurs Emmanuel NGNIKAM et Emile TANAWA, respectivement Ingénieur de Génie Civil et Professeur d’Université. Ils ont tous les deux coordonné plusieurs études et projets portant sur l’assainissement en milieu urbain. Fort de leurs expériences, ils ont abordé le thème de la gestion des déchets dans un contexte d’urbanisation rapide et non maitrisée en Afrique.
L’ouvrage retrace l’évolution de la prise des consciences des pouvoirs publics face au défi de la gestion des déchets. Il montre aussi les différentes stratégies développées dans les villes africaines, leurs réussites et échecs, les acteurs mobilisés, les sources de financement, etc. Ce livre condense aussi les résultats des études qui ont porté sur une dizaine de villes d’Afrique, sur une période de douze années (de 1992 à 2004). Il est structuré autour de 5 grands chapitres qui portent sur d’abord sur les filières de traitement des déchets, les pratiques actuelles en cours dans les villes d’Afrique, la caractérisation des flux de déchets et les approches d’évaluation. Le quatrième chapitre traite du cadre institutionnel et réglementaire de la gestion des déchets. Enfin, le dernier chapitre propose des filières pertinentes de gestion des déchets adaptées aux villes des pays en développement.
Après lecture, nous avons retenu de discuter des thématiques relatives :
1. aux pratiques actuelles de gestion des ordures ménagères dans les villes des pays en développement ;
2. à l’application des méthodes de caractérisation des déchets ménagers dans sept villes du Cameroun et à leur démultiplication.
1- La gestion des déchets solides urbains figure parmi les défis à relever par les autorités municipales des villes des pays en développement. Il s’agit pour les auteurs de mettre en évidence les stratégies développées par les villes pour maitriser la gestion des déchets tout en accordant une attention particulière aux sources de pollution.
Ils présentent le système de gestion actuelle qui est basée sur la collecte traditionnelle. Ce système est basé sur trois grandes étapes que sont : la pré-collecte-la collecte et le transport, la mise en décharge. Il rencontre plusieurs contraintes dont l’insuffisance des voies de circulation, la vétusté de certains quartiers, l’entreposage des ordures ménagères dans les espaces publics, etc.
Au niveau de l’étape de la pré-collecte, on peut noter la présence de plusieurs types de dépôts allant des poubelles dans les ménages aux bacs à ordures dans les rues. Ici, la répartition des bacs à ordures dans le territoire urbain pose problème car « personne ne veut qu’un bac à ordures soit entreposé dans le voisinage de sa maison. D’où un réel problème d’aménagement urbain et de mise en cohérence des espaces urbains avec le service de la propreté urbaine. A cet effet, il convient de citer le cas de la ville de Kaolack où certaines populations riveraines n’hésitent pas à s’opposer ouvertement aux agents municipaux qui viennent s’installer les bacs à ordures.
Par ailleurs, il existe un système de pré-collecte organisé faisant appel à de petits groupements de femmes ou d’associations de jeunes qui font du porte-à-porte pour assurer la pré-collecte.
Dans les villes de moins de 50.000 habitants, c’est souvent la traction animale, particulièrement asine, qui est pratiquée. La contrainte à ce niveau réside dans le fait que certains ménages, du fait de leur état de pauvreté ne parviennent pas à donner la caution financière qui devrait permettre de prendre en charge les coûts liés au système.
En définitive, concernant les pratiques actuelles de gestion des ordures ménagères dans les villes des pays en voie de développement, il faut retenir qu’elle reste l’une des casse-têtes pour les acteurs urbains. Pour preuve, la ville de Dakar est souvent confrontée aux grèves des éboueurs et à ces occasions les tas d’ordures jonchent les rues de la Capitale.
2. Toutefois, face à ce problème de gestion des ordures urbaines, les auteurs proposent des méthodes de caractérisation des déchets ménagers. L’objectif de cette caractérisation des déchets est de disposer d’éléments facilitant leur gestion et plus tard leur valorisation. Cette stratégie passe par plusieurs étapes que sont le zonage, l’estimation des quantités de déchets produits, le tri et le recyclage. Dans ce chapitre, les auteurs proposent d’aménager un centre de tri, ensuite le choix des bennes de collecte, puis les prélèvements obtenus sont pesés, enregistrés et analysés. Ils nous apprennent que pour caractériser les déchets, il faudrait procéder au tri. Ce dernier peut être manuel, sur tableau ou avec tamis. Il faut ensuite mesurer le degré d’humidité contenu dans les déchets.
Cependant, ce système est difficilement mis en œuvre dans les villes africaine ; car en dehors des travaux d’étude et de recherche, les gestionnaires des villes africaines ne prennent pas souvent la peine de procéder à tout ce protocole. Le Maire de la ville de Fatick au Sénégal, une fois interpellé sur la question des ordures ménagères, répondit aussitôt « nous allons éradiquer les ordures ménagères de la ville de Fatick ». Cette déclaration se faisant sans qu’il n’y ait aucun document d’assainissement qui a été réalisé.
On ne connait pas les quantités de déchets produits, les zones de collecte ne sont pas bien situées et les populations se plaignent souvent que les dépotoirs soient situés dans voisinage immédiat.
Une fois que tout le système de collecte est mis en place, la méthodologie de collecte définie, messieurs Nginkam et Tanawa l’ont appliqué à 7 villes camerounaises. Ils ont commencé par stratifier les villes en quatre zones homogènes :
1. Des habitats de haut standing et zone administrative avec un taux de collecte de 100%
2. Des zones d’habitat moyen standing caractérisées par une difficulté d’accès et des voies non revêtues, le ramassage n’est pas toujours assuré
3. Les zones d’habitat spontané très dense avec un taux de ramassage très faible
4. Les zones périurbaines en voie de densification, ici aucun système de ramassage n’est en place.
Les données collectées dans ces sept villes camerounaises montrent que le taux de génération de déchets des ménages par habitant par jour varie en fonction du taux d’urbanité. Pour Douala, ce taux est de 0.88 Kg/hbt/jour alors que pour Garoua, il est de 0.37Kg/hbt/jour.
La démultiplication de la méthode de caractérisation des déchets ménagers est possible dans les villes africaines. En effet, sur les mêmes standards, les acteurs de la ville, peuvent s’inspirer des résultats de cette étude pour mettre en place un système adapté et maitrisé de gestion des ordures urbaines.
En guise de conclusion de notre note de lecture, il convient de retenir que face à la problématique de la gestion des déchets urbains, des efforts sont entrain d’être faits par les acteurs de la ville. Cependant, il manquait souvent un support scientifique permettant de faire le lien entre la recherche et l’action. Le livre de messieurs Ngnikam et Tanawa constitue en ce sens un début de réponse face à cette problématique.
Nous avons choisi de présenter et de discuter des pratiques actuelles dans les villes en matière de gestion des déchets et de la caractérisation des déchets dans le cadre d’un système adapté de gestion pouvant être démultiplié au niveau des autres villes africaines.
En définitive, nous proposons une plus grande diffusion des résultats de l’étude auprès des gestionnaires de la ville, sous forme de fiches beaucoup plus accessibles aux non- initiés.
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